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Achtung ! Frontières…

L’ÉDITO

 

S’il est un cliché qui résume à lui seul l’ampleur du fossé culturel séparant les peuples du nord de la Méditerranée de ceux du sud (et de l’est), il nous est fourni par l’étrange scène qui s’est déroulée samedi dernier à l’arrivée en Allemagne du premier flot de migrants orientaux en provenance de Hongrie.

D’un côté, il y avait une foule enthousiaste et manifestement joyeuse, de laquelle fusaient les willkommen et les applaudissements, de l’autre, corps exténués et visages hagards, des êtres qui, aux dires d’une interprète, ne comprenaient rien à la situation et se demandaient même, non sans méfiance, ce que signifiait toute cette agitation.

Cette « bouffée d’amour » (comme nous l’appelions hier dans ces colonnes) de l’Occidental à l’égard de l’Oriental, du nanti pour le miséreux, n’est certes pas la règle. Elle n’est, encore, que l’exception à la règle. Il n’empêche qu’elle tranche net avec les usages en vigueur de ce côté-ci de la mer, à tel point que les migrants ne sont peut-être pas les seuls à n’avoir rien compris. Les opinions publiques des pays concernés ne seraient-elles pas, grosso modo, logées à la même enseigne ?

Pour éviter de trop coller à l’actualité et d’évoquer certaines politiques aux relents racistes et xénophobes pratiquées sous nos cieux à l’égard de tout ce qui ressemble à un réfugié, comment ne pas rapprocher les images qui nous parviennent aujourd’hui d’Allemagne de celles, par exemple, des centaines de milliers de migrants égyptiens qui fuyaient l’Irak et le Koweït envahi par les troupes de Saddam, il y a tout juste un quart de siècle ? Passe encore qu’ils aient été brutalisés par les Irakiens au départ. Leurs propres compatriotes au sein de la police égyptienne n’ont pas été plus tendres avec eux à l’arrivée…

Mais le fossé culturel entre le Sud et le Nord va bien au-delà de la question des migrants. Il sépare un monde gorgé de richesses matérielles et solidement installé depuis 70 ans dans une culture de paix durable, d’un univers chaotique où tyrannie, guerre et misère sont loi. Le premier est pris parfois d’élans de générosité à caractère bon enfant, comme ce fut le cas en 1998 en France lorsque, à la suite de la victoire des Bleus au Mondial, droite et gauche réunies décidèrent de régulariser la situation de tous les sans-papiers, un clin d’œil à la pluralité raciale de l’équipe de France. Quant au second, il n’a, à de notables exceptions (les musulmans extrémistes, essentiellement), qu’une obsession : imiter le premier, devenir comme lui une société de consommation.

La générosité ayant clairement ses limites, le problème tant des flux migratoires qui inondent régulièrement l’Europe que, plus globalement, des rapports entre Nord et Sud ne peut être traité que par une réduction progressive de la taille du fossé entre les deux mondes. Seule une expansion de la culture de paix est à même de répondre à cet impératif.

Comment y parvenir ? Il n’y a pas trente-six chemins, il y en a un seul : décréter que tous les extrémismes dans la région se valent – en y incluant l’israélien –, ne pas utiliser l’un contre l’autre et se décider enfin à les abattre tous. Impitoyablement.

Le plus rude dans cette tâche pour l’Europe, ce n’est pas cet objectif en soi, c’est d’abord d’y associer les deux grands récalcitrants, les États-Unis et la Russie. Sans ces deux-là, on n’arrivera à rien.