IMLebanon

Affaire de confiance

L’ÉDITORIAL

 

Les périodes électorales sont, par excellence, l’occasion de mirifiques promesses, rarement tenues par leurs auteurs. Il en va de même pour le baptême de tout nouveau gouvernement.

À la pléthorique équipe présidée par Saad Hariri, on reconnaîtra spontanément d’avoir, pour le moins, bien choisi son slogan : Regagner la confiance. Celle du peuple, bien sûr, un peuple désespéré par la criminelle inconscience, l’incompétence crasse et l’insatiable affairisme d’une bonne part du personnel politique. Mais le Liban se doit de récupérer aussi la considération d’un monde extérieur qui a manifesté à maintes reprises sa volonté de lui venir en aide, mais qui ne comprend pas qu’un pays doté d’une telle vitalité fasse preuve d’un tel acharnement à se détruire lui-même.

Et puis on se dit que tout compte fait, le choix de cette devise n’était pas si heureux que cela. Oh, il ne fait aucun doute qu’au terme d’un débat mené au pas de charge, le Parlement finira par adouber ce gouvernement de trente membres ; comment d’ailleurs en serait-il autrement, quand la quasi-totalité du spectre de l’Assemblée y est représentée ?

Plus longue à venir sera toutefois la confiance des autres, tous les autres, et à leur tête les citoyens. On peine à croire en effet qu’un cabinet de courte durée, censé surtout organiser des élections législatives, pourra, comme il s’y engage, s’attaquer efficacement aux problèmes de l’électricité, de l’eau, des ordures, de la sécurité routière et autres misères de la vie quotidienne. Il est encore plus difficile de croire qu’une corruption aussi généralisée, aussi flagrante, aussi profondément enracinée dans les administrations publiques et dans le cercle des puissants, pourra être éradiquée en deux coups de cuiller à pot : il faudrait, pour cela, toute une armée de bulldozers…

Reste cette politique dite haute et qui, pourtant, vole si bas chez nous. Comment a-t-on fait ainsi pour associer, dans un même programme gouvernemental, des partis (et parties) aussi diamétralement opposés sur les questions de la Syrie et de l’armement du Hezbollah ? Comme d’habitude, en escamotant le problème, en prônant une fausse neutralité. En accommodant à la sauce du jour les acrobaties sémantiques récupérées sur le discours d’investiture du président Michel Aoun et de l’ancien gouvernement. Certains ont bien crié à la supercherie, hier au Parlement ; mais ils n’ont pas tous été avares de leur chatouilleuse confiance…

Pour préserver la paix du singulier ménage, on a dissimulé des tonnes de poussière sous le tapis. Mais la maison libanaise est-elle vraiment plus salubre pour autant ?