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Al-Nosra et l’EI refusent de remettre à l’émissaire qatari la liste de leurs revendications

 

Jeanine JALKH

C’est la douche écossaise dans l’affaire des otages militaires. Après des informations qui ont circulé dans l’après-midi sur un certain blocage des négociations entre les ravisseurs (l’État islamique et al-Nosra) et le médiateur syrien envoyé par le Qatar, Ahmad Khatib, les nouvelles qui ont filtré en soirée étaient quelque peu positives, les médias ayant répercuté une détente chez le médiateur qatari qui s’est réuni avec les deux groupes de ravisseurs. C’est le frère de l’un des otages qui a d’ailleurs fait part de cet optimisme, annonçant même qu’il espère de « bonnes nouvelles bientôt ». Un climat conforté par des médias qui ont annoncé en soirée que les pourparlers étaient sur la « bonne voie », sans trop de précisions cependant, certains ayant fait état d’une « liste de revendications remise par le Front al-Nosra » à l’État libanais.

Ce nouveau souffle d’espoir n’était en réalité motivé que « par l’arrivée de provisions pour les réfugiés et le fait que le médiateur qatari soit resté sur place pour poursuivre la médiation », devait confier le frère d’un des otages à L’Orient-Le Jour, Nizam Mghayt. « Aucune liste de revendications n’a été remise à l’État », a affirmé à L’Orient-Le Jour une source proche du dossier.

Le gouvernement, pour sa part, a maintenu la loi du mutisme, peu d’éléments ayant filtré sur la teneur des entretiens avec le médiateur du Qatar. Une chose est certaine : ce dernier est effectivement resté à Ersal et devra poursuivre aujourd’hui sa mission auprès des ravisseurs pour tenter d’arracher la liste des revendications.
« À ce jour, les deux groupes refusent de nous soumettre leurs conditions en bonne et due forme. Nous leur avons demandé à maintes reprises de nous faire parvenir clairement toutes leurs conditions. Une fois celles-ci entre nos mains, nous verrons alors si on peut les remplir ou pas. Si oui, l’affaire sera alors conclue », confie la source autorisée qui assure qu’à ce jour, « rien, absolument rien, ne nous est parvenu ».
La source croit savoir que les ravisseurs « sont tout simplement en train de tergiverser, pensant gagner du temps et par conséquent quelques avantages, notamment en provisions pour les réfugiés ». C’est ce qui explique d’ailleurs le cortège des sept camions de provisions et de couvertures envoyées hier aux réfugiés syriens à Ersal « et qui étaient exclusivement destinées à ces derniers ».
L’initiative était celle du médiateur du Qatar qui a voulu paver la voie aux médiations à venir en faisant un geste de bonne volonté.

Autre geste de bonne volonté du côté libanais : le fait que le fameux prévenu Imad Jomaa, dont l’arrestation par l’armée a déclenché les combats à Ersal, ait pu communiquer, il y a quelques semaines par Skype, avec les membres de l’État islamique, qui se trouvent en principe dans le jurd. Ces derniers voulaient s’assurer que le prévenu, l’un des leurs, était détenu dans de bonnes conditions.
« C’était une manière de montrer notre bonne intention et rassurer les interlocuteurs sur l’état de Jomaa », indique la source. Faisant montre d’un optimisme prudent, celle-ci affirme que « les négociations se poursuivent. Le démarrage est difficile comme dans toute négociation, mais celle-ci est assurément sur la bonne voie ».
Il reste à voir si les groupes de ravisseurs vont enfin remettre la liste des revendications aujourd’hui et ce qui ressortira des pourparlers que le médiateur doit de nouveau engager sous peu.

Interrogé sur le fait de savoir si Imad Jomaa a également communiqué par Skype avec le Front al-Nosra, cheikh Moustapha Hojeiri, un islamiste proche de ce front ayant intervenu à plusieurs reprises dans le dossier des otages, affirme : « Il n’en est pas question. Imad Jomaa est l’ennemi juré du Front al-Nosra qui lui impute la responsabilité du déclenchement des affrontements à Ersal qui ont coûté très cher aux réfugiés syriens, notamment. Ils sont à couteaux tirés. D’ailleurs, le nom de Jomaa ne figure même pas parmi les noms des prisonniers islamistes qu’al-Nosra voudrait voir libérés ».
Un aveu qui complique davantage la tâche du médiateur du Qatar qui reprend dès aujourd’hui les chemins sinueux du jurd.