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Après le clash 8 Mars-Kahwagi, retour au feuilleton présidentiel

 

Élie FAYAD

La semaine écoulée s’était achevée sur un fulgurant et acerbe échange médiatisé entre les milieux du 8 Mars et le commandement de l’armée au sujet du déroulement et des suites de la bataille de Ersal. Celle qui commence renoue avec le thème préféré des milieux politiques libanais depuis des mois : l’élection présidentielle. Cela étant dit, les deux thèmes ne sont peut-être pas étrangers l’un à l’autre.

Manifestement, quelque chose ne tourne pas rond ces jours-ci dans les rapports entre le 8 Mars et les responsables de l’institution militaire, au point qu’une virulente campagne de presse a été lancée, via des médias proches de ces milieux, contre l’état-major sur sa gestion de l’affaire de Ersal.
Il a fallu moins de 24 heures au commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, pour répliquer à l’attaque, avec non moins de virulence, et opposer une fin de non-recevoir aux arguments de ses détracteurs, s’attirant de ce fait les déclarations de soutien de la part des milieux du 14 Mars.
« Aurait-on voulu que l’armée détruise Ersal ? » s’est-il interrogé dans les colonnes de notre confrère an-Nahar. La teneur de cette interrogation est au cœur du problème lié aux débordements de la guerre syrienne sur le territoire libanais et à la participation du Hezbollah à ce conflit sanglant.
L’armée libanaise n’étant pas censée être l’auxiliaire de n’importe lequel des belligérants engagés en Syrie, elle se devait de traiter l’abcès de fixation qu’était devenue la région de Ersal avec une approche purement libanaise, donc nécessairement différente de celles des parties au conflit en Syrie. D’où l’insatisfaction apparente de ses critiques, qui laissent clairement entendre que si la troupe s’était montrée plus sévère contre Ersal, les terroristes « takfiristes » n’auraient pas pu regagner leurs bases en Syrie avec des militaires libanais en otages.

Quoi qu’il en soit, cette polémique a fait de l’ombre au cours du week-end écoulé aux tribulations politiciennes du moment, à commencer par la proposition d’amendement constitutionnel officialisée par le CPL pour faire élire le président de la République au suffrage universel avec un verrouillage confessionnel à la clé.
On peut d’ores et déjà affirmer que l’initiative est pratiquement mort-née, mais pas seulement du fait de l’accueil critique qui lui a été réservé par le 14 Mars. Ce qui doit encore plus faire grincer des dents dans les chaumières aounistes, c’est le froid dédain manifesté à cet égard par les alliés du CPL eux-mêmes. Rien n’est en effet venu de chez Hassan Nasrallah, Nabih Berry ou Sleimane Frangié qui puisse s’apparenter à un geste de sympathie envers la proposition aouniste.

Quant à Walid Joumblatt, qui s’est autorisé hier à bon compte une petite sucrerie à l’intention du Hezbollah et du CPL, en affirmant que non, on ne devrait pas mettre ces deux-là au niveau de « Daech », il s’est plus sérieusement efforcé, lors d’une tournée dans des villages du caza de Aley, de remettre les pendules à l’heure en matière d’échéance présidentielle.
Depuis quelque temps, le chef du PSP tente de se distinguer de ses pairs musulmans en laissant entendre, de plus en plus clairement, que la présidentielle ne concerne pas que les chrétiens et que du moment que ceux-ci ne parviennent pas à s’entendre à ce sujet, il est normal que les musulmans aient aussi leur mot à dire. Hier, M. Joumblatt a franchi un nouveau pas dans cette direction en annonçant qu’une entente est possible entre le tandem chiite Berry-Nasrallah et lui-même. Les observateurs y ont vu un appel du pied au président de la Chambre pour le presser d’abattre ses cartes et au secrétaire général du Hezbollah pour qu’il se montre moins béat d’admiration devant la candidature de Michel Aoun.

Dans certains milieux informés, cités par notre chroniqueur diplomatique Khalil Fleyhane, on pense qu’au moins en ce qui concerne M. Berry, l’appel du leader druze ne risque pas de tomber dans les oreilles d’un sourd. Le chef du législatif se prépare à son discours annuel de commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr, dimanche prochain, et il est possible qu’il laisse transparaître à cette occasion sa lassitude – ou même davantage, pense-t-on – au sujet de l’évolution du dossier présidentiel.