Site icon IMLebanon

Après quatre mois de combats, les Kurdes chassent les jihadistes de Kobané

Une atmosphère de liesse régnait hier dans les régions kurdes de Syrie après l’éviction de l’État islamique (EI) de la ville de Kobané, sa défaite la plus cuisante en Syrie.
« Kobané libérée, félicitations à l’humanité, au Kurdistan et au peuple de Kobané », a tweeté dans l’après-midi Polat Can, un porte-parole des YPG (Unités de protection du peuple kurde), la milice qui défend la ville. Plus tôt, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) avait affirmé que les Kurdes contrôlaient « totalement » Kobané. Et dans les régions à majorité kurde en Syrie, des foules sont descendues dans les rues pour célébrer cette victoire, certains dansant, d’autres tirant en l’air en signe de joie, rapporte l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Pour rappel, cette victoire annoncée à Kobané (Aïn al-Arab en arabe) fait suite à plus de quatre mois de violents combats menés par les forces kurdes avec le soutien prépondérant des frappes quotidiennes de la coalition internationale. De son côté, Mustefa Ebdi, militant kurde de Kobané, a affirmé que « toute Kobané a été libérée » et que les « combats ont cessé ». D’après lui, la bataille visait désormais à « libérer les environs de la ville », où l’EI contrôle encore plusieurs dizaines de villages. À l’extrémité est de la ville, les forces kurdes avançaient « prudemment (…) par peur des mines et des voitures piégées », selon le militant.
« Des combattants de l’EI ont été vus en train de fuir sur des mobylettes de Maqtala, ils n’ont opposé aucune résistance. » Le revers à Kobané porte un coup d’arrêt à l’expansion territoriale que l’EI mène en Syrie depuis son apparition dans le conflit en 2013, estiment des experts. « C’est un coup dur pour l’EI et ses projets » d’expansion. « Malgré toutes leurs armes sophistiquées et leurs combattants, ils n’ont pas pu prendre la ville », a souligné Mutlu Civiroglu, spécialiste de la question kurde, basé à Washington.
Par ailleurs, en Irak, les forces armées sont en contrôle total de toutes les villes, tous les districts et cantons de la province de Diyala, dans l’est, a indiqué le général Abdelamir al-Zaïdi.
Grâce à la campagne de frappes qu’elle mène depuis août, la coalition estime avoir stoppé l’avancée de l’EI en Irak, mais les jihadistes conservent pour l’instant l’essentiel de leurs positions, notamment Mossoul, la deuxième ville du pays. De plus, les forces spéciales canadiennes ont à deux reprises combattu au sol des membres de l’EI la semaine dernière en Irak, a annoncé hier l’armée canadienne. « Dans les deux cas, les forces spéciales canadiennes, agissant en autodéfense, ont riposté, éliminant les menaces », a déclaré le capitaine Paul Forget. Pour sa part, l’EI a appelé hier à mener de nouvelles attaques contre les pays occidentaux, saluant les attentats perpétrés par des jihadistes, notamment en France, contre la rédaction de Charlie Hebdo.

« Des préparatifs pour une conférence »
Parallèlement, le président syrien Bachar el-Assad a dénoncé dans un entretien à une revue américaine le plan des États-Unis d’entraîner ses ennemis rebelles pour combattre l’EI, estimant qu’il s’agissait d’une chimère. Pour Assad, ces rebelles sont une force « illégale » et seront traités par l’armée comme les autres insurgés, qualifiés de « terroristes » depuis le début de la révolte en 2011 contre son régime. Concernant les pourparlers de Moscou, le président syrien a apporté son soutien aux rencontres tout en mettant en cause la légitimité de certains participants. « Ce qui se déroule à Moscou n’est pas une négociation sur une solution (au conflit). Ce sont juste des préparatifs pour une conférence », a déclaré Bachar el-Assad. « Nous allons parler à tout le monde. Mais il faut demander à chacun (des opposants) : Qui représentez-vous ? » a-t-il ajouté, fustigeant les « marionnettes du Qatar, de l’Arabie saoudite ou de tout pays occidental ». De leur côté, des représentants de l’opposition syrienne se sont réunis à Moscou pour préparer les pourparlers de demain avec des émissaires du régime de Damas. Des membres de l’opposition tolérée par Damas, notamment des représentants du Comité de coordination nationale pour les forces du changement démocratique (CCND), ont discuté à huis clos toute la journée dans une résidence du ministère russe des Affaires étrangères. « Environ 25 membres de l’opposition sont là. Ils seront à terme une trentaine », a indiqué le vice-ministre des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, cité par l’agence RIA Novosti. Cela dit, toute l’opposition n’est pas représentée puisque la Coalition nationale de l’opposition en exil n’est pas présente. La Coalition estime que ces discussions, qui doivent se poursuivre aujourd’hui, devraient avoir lieu sous l’égide de l’Onu en pays « neutre », et non en Russie, soutien indéfectible de Damas. De plus, une délégation du régime du président Bachar el-Assad, menée par l’ambassadeur de la Syrie à l’Onu, Bachar Jaafari, doit se joindre aux pourparlers demain, selon Moscou. Les discussions entre représentants de l’opposition et du régime ne dureraient donc qu’une ou deux journées, les pourparlers étant prévus pour durer jusqu’au 29 janvier.

« Réconciliations au niveau local »
En outre, selon le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, il n’y a pas d’ordre du jour et pas de signature de document ou d’accord prévu. M. Lavrov réfute par ailleurs l’idée de « négociations » mais parle plutôt de « discussions avant des négociations », d’entretiens visant à nouer des « contacts personnels » entre opposants et émissaires du régime syrien. Mais l’absence de l’opposition en exil atténue très largement la portée des pourparlers.
Selon une source gouvernementale syrienne interrogée la semaine dernière, la délégation de Damas espère que les participants se mettront d’accord sur une feuille de route comprenant : la « lutte contre le terrorisme », des « réconciliations au niveau local » et des discussions sur un « gouvernement d’union nationale ». Pour leur part, l’opposition en exil comme celle de l’intérieur veulent discuter d’un gouvernement transitoire.
Pour sa part, Washington soutient « tout effort » qui pourrait permettre d’obtenir « une solution durable au conflit ». À Paris, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a répété que la Syrie de demain devait se faire sans Bachar el-Assad. « Il faut une solution qui intègre à la fois des éléments de l’opposition et des éléments du régime, pas M. Bachar », a prôné le responsable français. Pour les analystes, en accueillant opposants et émissaires de Damas, Moscou poursuit son objectif, légitimer Assad, alors que les Occidentaux sont engagés dans un bras de fer avec l’EI.