Le cafouillage le plus total a marqué la réunion hier des commissions conjointes du Parlement, qui avait pour objet l’examen de la grille des salaires dans le secteur public. Rejointe par le conflit opposant le 14 et le 8 Mars sur l’absence systématique aux séances de vote présidentiels des députés du Hezbollah et du bloc du Changement et de la Réforme, la réunion des commissions conjointes a été boycottée hier par les députés du 14 Mars. Seuls Jamal Jarrah et Samy Gemayel ont assisté à la séance, M. Jarrah y étant chargé de défendre le point de vue de son bloc.
La séance, qui a failli ne pas avoir lieu faute de quorum, a fini par se tenir en présence de 31 députés. Mais le cœur n’y était vraiment pas.
En effet, la réunion a commencé par une controverse sur la légitimité de sa tenue sous la présidence d’Ibrahim Kanaan, président de la commission des Finances, en l’absence de Farid Makari, vice-président de la Chambre, qui se trouve en voyage. Elle s’est poursuivie par des prises de position contradictoires sur la nécessité d’insérer la grille des salaires dans l’examen du budget, puisque les ressources de cette grille y sont inscrites. Défendu par M. Jarrah au nom du 14 Mars, ce point de vue a été contesté par les députés du Hezbollah, qui y voient de l’obstructionnisme. Enfin, la séance s’est conclue sur un plaidoyer du ministre de la Défense, Samir Mokbel, qui a défendu bec et ongles la nécessité d’étendre la nouvelle grille des salaires aux forces armées et aux services de sécurité.
Même le comité de coordination syndical a été affecté par cet éparpillement des opinions, puisque, apparemment, il s’est scindé en deux, certains de ses membres se réunissant avec Ibrahim Kanaan, à la Chambre, d’autres avec le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur Élias Bou Saab, dans un café de la place de l’Etoile. Au final, s’exprimant au nom du comité, le président du syndicat des enseignants, Nehmé Mahfoud, a affirmé que l’unité du comité passe en importance la grille des salaires, tout en précisant qu’il a formulé en réunion les remarques du comité sur la grille. Et de conclure en souhaitant que M. Makari soit de retour pour la prochaine réunion des commissions conjointes. De son côté, M. Berry n’a pas fixé de nouveau rendez-vous hier aux commissions.
Aoun chez Joumblatt
Sur un autre plan, la journée a été marquée hier par une visite inopinée de Michel Aoun au domicile de Walid Joumblatt, quartier Clemenceau. M. Aoun en est reparti sans mot dire, laissant les journalistes sur leur soif. Cette rencontre, pourtant, fait suite à une première visite effectuée par le chef du Courant patriotique libre (CPL) au président de la Chambre. Une visite à l’issue de laquelle il avait fait état de « légers progrès » sur le dossier de la présidentielle. Il n’a pas été possible de savoir, hier, la nature de ses progrès, ni si cette seconde visite s’inscrit, sur ce plan, dans le prolongement de la première.
Par contre, selon des observateurs, la démarche de M. Aoun visait aussi à mettre les points sur les « i » au sujet de la prorogation du mandat du commandant en chef de l’armée, Jean Kahwagi. Selon l’agence al-Markaziya, le général Aoun a fait savoir qu’il était catégoriquement opposé à toute prorogation du mandat du général Kahwagi, qui affecterait grandement le moral des gradés qui attendent leur promotion. Selon l’agence, le chef du CPL a affirmé qu’il ne défendait lui-même aucune candidature, mais que trois officiers maronites, les généraux Maroun Hitti, Georges Nader et Chamel Roukoz (gendre du général Aoun), étaient en lice pour succéder au général Kahwagi à la tête du commandement de l’armée.
Par contre, le général Aoun devait affirmer à M. Joumblatt qu’il lui laissait l’entière liberté de nommer l’officier qui doit succéder au général Walid Salmane, un druze, comme chef d’état-major.
Les observateurs notent que cette visite intervient à trois jours de la fin du mandat (20 mars) du général Edmond Fadel, directeur général des renseignements militaires, dont le ministre de la Défense envisage de proroger le mandat d’un an.
Blanchiment et terrorisme
La journée d’hier a été enfin marquée par la tournée locale effectuée hier par le secrétaire adjoint américain au Trésor pour la lutte contre le financement du terrorisme et les délits financiers, David Glazer.
M. Glazer a successivement rencontré hier le Premier ministre, Tammam Salam, les ministres des Affaires étrangères et des Finances, Gebran Bassil et Ali Hassan Khalil, ainsi que le président, François Bassil, et les membres du conseil de l’Association des Banques.
M. Bassil devait assurer à son interlocuteur que la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme figure en tête des priorités de l’association et fair l’objet d’un suivi méticuleux.
Pour finir, signalons rapidement que le ministre allemand de la Coopération économique, Gerd Müller, est attendu aujourd’hui pour une visite de deux jours. Il débarquera dans un climat défavorable à l’octroi de fonds à l’État libanais au profit de sa population de réfugiés. De l’aveu même de l’ambassadeur allemand, cité dans nos colonnes, « on se pose aussi (dans les milieux occidentaux) des questions relatives à la capacité de décision des organes centraux du pays qui n’a toujours pas de chef de l’État ».