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Ayrault : Au Liban, « il ne doit y avoir ni gagnant ni perdant »

Anne-Marie El-HAGE 

À l’issue d’une réunion avec son homologue libanais, Gebran Bassil, le chef du Quai d’Orsay, Jean-Marc Ayrault, a réaffirmé, hier au palais Bustros, qu’« en ces temps difficiles, la France est plus que jamais aux côtés du Liban pour l’aider à sortir de la crise qui le paralyse », en jouant le rôle de « facilitateur ». Le message, qui concerne « la vacance à la tête du pays » et la paralysie des institutions, vient confirmer le message de solidarité du président français François Hollande aux Libanais lors de sa visite en avril dernier.
L’Hexagone n’a certes pas l’intention de s’ingérer dans les affaires du pays du Cèdre. Par ce rôle de facilitateur, il entend « créer les meilleures conditions d’une sortie de crise, en lien avec l’ensemble des partenaires de la France », dit le ministre français lors d’un point de presse commun avec M. Bassil, évoquant ses discussions dans ce sens avec l’Arabie saoudite et l’Iran. « Mais c’est à chacun de prendre ses responsabilités », souligne M. Ayrault, qui insiste sur l’urgence pour les Libanais de « trouver un accord politique ».

 

La politique de la main tendue
Concrètement, cela se traduit par la nécessité de préserver « l’équilibre politique qui fait partie du modèle libanais et qui n’attend que de pouvoir fonctionner », mais aussi « la spécificité multiconfessionnelle du Liban », constate le chef de la diplomatie française, répondant à une question de L’Orient-Le Jour.
« Chacun doit faire un ou plusieurs pas vers l’autre, et un accord doit être trouvé qui permette à chacun de se sentir en sécurité », explique-t-il. « C’est la politique de la main tendue. » Autrement dit, il ne doit « y avoir ni gagnant ni perdant ». « Le seul gagnant doit être la nation libanaise et le peuple libanais », martèle-t-il.
Ce message, M. Ayrault l’a adressé et répété avec insistance à toutes les parties, à toutes les forces politiques locales, durant ces deux derniers jours. « Cette situation est préjudiciable pour les Libanais et ne peut pas durer. »
Le ministre français adresse aussi un autre message aux Libanais. Celui du soutien de la France au Liban sur le plan sécuritaire, à travers la Finul, pour garantir la résolution 1701. « Dix ans après la guerre de 2006, j’ai souhaité adresser un message en me déplaçant en visite à la Finul, au Liban-Sud », explique-t-il. Et de saluer « la responsabilité » des parties « qui se sont affrontées en 2006 », avant d’affirmer que « l’objectif est un accord définitif de paix ».
Jean-Marc Ayrault ne manque pas de rappeler « la solidarité à un niveau humanitaire » de la France avec le Liban. Une solidarité qui se concrétise par près de 100 millions d’euros débloqués pour les deux années à venir pour le Liban et les réfugiés syriens qui s’y trouvent et « désirent retourner chez eux », mais aussi par « la réinstallation humanitaire en France de 3 000 réfugiés ». Le ministre français fait part également d’une « mobilisation » de son pays pour réunir « rapidement » le groupe international de soutien au Liban, « afin de donner un espoir au peuple libanais ». Enfin, sur la solution au conflit syrien, il est formel : « Il ne peut y avoir de solution militaire en Syrie. Il ne peut qu’y avoir une solution politique », conclut-il, faisant part de la volonté de l’Hexagone de « coopérer avec toutes les parties qui peuvent y contribuer ».

 

Bassil rappelle les défis monstrueux du Liban
À son tour, Gebran Bassil salue « la force des relations » entre la France et le Liban, et tient à rappeler « les défis monstrueux » que tente de relever le pays du Cèdre, « en comptant sur le soutien de ses amis ». Dénonçant « l’occupation du territoire et les violations quotidiennes de la souveraineté (libanaise) par Israël », il invite la France à jouer un rôle pour l’instauration « d’une paix juste et globale dans la région, fondée sur les principes du droit et garantissant celui du retour des réfugiés palestiniens ».
Le ministre des Affaires étrangères évoque aussi la crise syrienne, « qui ne se distancie pas de nous ». « Le Liban cherche (pourtant) à se distancier du conflit en Syrie », assure-t-il. Et il rappelle « l’afflux massif de plus d’1,5 million de ressortissants syriens qui viennent s’ajouter aux 500 000 réfugiés palestiniens déjà présents sur notre territoire. Soit 200 réfugiés et déplacés par km2, la plus forte densité au monde. » M. Bassil explique l’impact de cette présence sur « la sécurité nationale » et invite la France « à prendre la tête des efforts internationaux en faveur du retour des réfugiés ». « Le Liban fait face à un défi existentiel », martèle-t-il à ce propos.
Le chef de la diplomatie met en garde, de plus, contre le « défi le plus dangereux », celui « des organisations terroristes, l’État islamique, le Front al-Nosra et leurs épigones ». « Nous reconnaissons à la France son engagement stratégique et considérons sur ce dossier que son rôle peut également être essentiel, en particulier si elle s’engage à concrétiser les dons militaires au Liban », affirme-t-il.
M. Bassil tient à dénoncer les « blocages institutionnels qui paralysent le Liban » et s’ajoutent à la « somme de défis ». « Seul un Liban fort peut faire face à ces défis », souligne-t-il. « La force de nos institutions se doit d’être reflétée par l’élection d’un président de la République fort de la légitimité populaire. »
Et de remercier la France pour ce rôle de facilitateur, « qui peut être essentiel s’il protège de l’extérieur un accord interlibanais ».