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Beaucoup d’interrogations et quelques pistes…

 

Rejoint par un microcosme confus de formations à sensibilités politiques différentes, le mouvement de protestation dans la rue a semé la confusion dans les rangs du 8 et du 14 Mars. Les milieux politiques ne savent plus trop ni qui dirige cette dynamique, rejointe samedi dernier par plus de 50 000 manifestants, ni quels sont ses objectifs ultimes. Afin de pouvoir répondre à cette question angoissante, des formations gravitant aussi bien dans l’orbite du 8 que du 14 Mars ont pris part à la manifestation, avec des slogans non partisans et sans compromettre leur identité. Mais le gros de l’hinterland politique libanais n’a pas assuré de couverture au mouvement.

Face à cette confusion et à l’ampleur du mouvement de protestation, des milieux sécuritaires expriment leurs craintes de démarches dramatiques qui pourraient être entreprises par les organisateurs à partir d’aujourd’hui, c’est-à-dire après la fin de l’ultimatum qu’ils avaient lancé samedi au pouvoir. Ces milieux appréhendent des scénarios qui bénéficieraient du soutien de forces internationales et régionales pour réaliser leurs objectifs : il serait ainsi question de neutraliser la scène des conflits régionaux, de dissocier la crise libanaise de celle de la région et d’empêcher l’Iran de maintenir le lien entre la crise libanaise et une solution à la crise syrienne, mettant fin ainsi à l’exploitation de la scène libanaise comme une carte de pression entre les mains de Téhéran.

Le 8 Mars a pourtant tenté de contenir le mouvement, en ouvrant la voie à sa récupération politique par des visages politiques bien connus, dont certains reliquats du passé, la plupart de gauche. Mais le mouvement a résisté à cette tentative, et l’importance du nombre de manifestants, samedi, a suscité des craintes que l’objectif de cette dynamique soit de pousser toutes les parties à entrer dans une nouvelle phase, hors du pourrissement institutionnel et du blocage de l’élection présidentielle. Mais les slogans politiques qui ont été lancés samedi en faveur de l’élection d’un nouveau chef de l’État pourraient pousser les députés à se rendre à la Chambre et s’exécuter, à l’ombre de la crise des déchets. Des milieux politiques n’écartent pas la théorie selon laquelle l’Iran, profitant du temps perdu, ait porté une série de coups préventifs dans plusieurs pays du monde arabe en attendant la signature par le Congrès américain de l’accord sur le nucléaire iranien, dans le but de marquer des points qui puissent être utilisés plus tard dans le cadre de négociations politiques. C’est dans ce cadre qu’il faudrait ainsi replacer les événements qui se produisent actuellement en Syrie, en Irak, au Yémen et au Liban.

L’image du compromis régional est encore floue. Certaines parties ont voulu à tout prix maintenir la scène libanaise rattachée aux dossiers régionaux, de sorte qu’une solution au Liban dépende des solutions aux crises de la région, notamment en Syrie. Cette mentalité s’est répercutée négativement sur le pays et a créé un sentiment de frustration populaire exprimé par la manifestation de samedi. De jeunes citoyens transcommunautaires de différentes régions et classes sociales du pays sont descendus individuellement dans la rue pour réclamer un changement, la plupart dans le cadre du régime et des institutions. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a bien compris le message politique et sa portée. Il a estimé que ce changement devait passer par la Chambre, passage obligé de tout règlement et dont il faut absolument redynamiser le rôle. Des milieux diplomatiques occidentaux ne cachent pas une volonté puissante de déconstruire la crise libanaise de sorte que la première étape soit l’élection d’un nouveau président, passage obligé pour résoudre toute question, telle que celle des déchets. Ainsi, pour sanctionner les responsables, les laxistes et les corrupteurs, il faut qu’un chef de l’État soit élu pour relancer la présidence de la République, et, partant, le Conseil des ministres, la Chambre des députés, les administrations étatiques, les organismes de contrôle et l’appareil judiciaire.

Ce qui se produit au Liban augure d’une nouvelle étape que certaines parties tentent d’exploiter au service du projet régional dans lequel elles se trouvent. Un doigt accusateur est pointé contre des organisations politiques de formation de jeunes révolutionnaires présentes à l’étranger et liées à un réseau comprenant des organisations américaines, canadiennes et australiennes. La mobilisation des Libanais de l’étranger, notamment en Australie, en France, aux États-Unis et en Grande-Bretagne donne ainsi l’impression qu’il existe une organisation bien rodée qui vise, ultimement, à l’élection d’un président de la République, mais pas à la désignation du candidat à la présidentielle. Et ce, quand bien même certaines personnalités ambitieuses ont tenté d’intégrer le mouvement pour l’exploiter et promouvoir leur candidature, sur base de la logique selon laquelle la route de Baabda passerait par Riad el-Solh.