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Berry se prononce contre le principe d’une quote-part allouée à Aoun 

La polémique suscitée autour de la « part ministérielle » du président de la République, qui équivaudrait selon les informations qui circulent à cinq postes, est repartie de plus belle hier. Ceux qui défendent cette thèse – généralement les proches du chef de l’État, Michel Aoun ou de la formation dont il est issu, font principalement valoir un droit quasiment acquis que justifieraient des « précédents » désormais consacrés en coutume. C’est notamment l’idée qu’a défendue hier l’ancien ministre Wadih el-Khazen, qui a été jusqu’à considérer que le « quota » du président – à Baabda, on préfère parler de représentation ministérielle – « est une coutume qui se fonde sur le pacte national et qui est incontestable ».
Les Forces libanaises, qui se sont opposées dès le départ à l’idée d’une « part présidentielle » considérée séparément de celle que convoite le CPL, ont motivé leur refus par des raisons politiques en réclamant une répartition de portefeuilles « équitable », en tous les cas équivalente à celle du CPL.
Hier, c’était au tour du président du Parlement Nabih Berry de se mettre de la partie, en démontant l’argument d’un précédent institué du temps des prédécesseurs de M. Aoun (Élias Hraoui, Émile Lahoud et Michel Sleiman) affirmant, selon des propos rapportés par ses visiteurs à Aïn el-Tiné, que la « quote-part du chef de l’État était en réalité celle des Syriens et non du président ». M. Berry, qui n’a pas manqué de rappeler que M. Aoun lui-même avait contesté ce droit à Michel Sleiman (en référence à un entretien à la chaîne OTV dont les extraits ont largement circulé sur les réseaux sociaux), a laissé entendre qu’une telle formule pourrait à la limite devenir acceptable si les ministres qui doivent représenter M. Aoun « étaient indépendants ».
Le député et ancien ministre Albert Mansour a été plus loin en rappelant que la Constitution libanaise n’évoque ni de près ni de loin cette pratique, avant de souligner que la coutume consacrée suite à l’accord de Doha – négocié à la suite de la crise de mai 2008 et qui a propulsé Michel Sleiman à la tête de l’État – « n’a aucune valeur constitutionnelle ».

Arbitre et non chef de clan
Dans un entretien express accordé à L’Orient-Le Jour, M. Mansour, qui est également professeur de sciences politiques, a évoqué « une hérésie », estimant que s’il y a eu une pratique en ce sens dans le passé, cela ne veut pas dire qu’elle doit être systématiquement consacrée et érigée en coutume, d’autant que « ces tristes usages ont eu lieu durant la période de la présence syrienne ».
Selon lui, le président de la République a son mot à dire à toutes les étapes de la formation du gouvernement entendue dans son sens global. « Nous ne sommes pas en présence d’une société commerciale dont on doit distribuer les dividendes aux actionnaires, mais d’un processus par lequel il faut désigner une équipe de travail pour résoudre les multiples maux dont souffre le pays », dit-il, en rappelant que la priorité est à la lutte contre la corruption et à la définition d’une vision d’avenir pour extirper le pays de la crise économique.
Le juriste Hassane Rifaï va un peu dans le même sens, lorsqu’il affirme qu’un « président qui peut intervenir au niveau de l’ensemble des portefeuilles et dans les choix des candidats ministrables – dans l’objectif de s’assurer du bon fonctionnement des institutions – ne peut intervenir pour réclamer un portefeuille par-ci ou par-là, encore moins pour favoriser ses proches. Il est l’arbitre qui se positionne au-dessus des parties et non le chef d’un clan », dit-il.
L’ancien ministre de la Justice et député, Edmond Rizk, qui fut l’un des artisans de la Constitution de Taëf, va jusqu’à considérer que le comportement de M. Aoun « porte préjudice au prestige de la présidence et au président lui-même ». « Le fait d’évoquer la “part” du chef de l’État signifie que ce dernier renonce à ses compétences et surtout au fait qu’il incarne le symbole de la nation », dit-il. Selon M. Rizk, le président détient aujourd’hui bien plus de pouvoir qu’il ne réclame, puisque constitutionnellement parlant il a « un droit de regard sur chacun des ministres qui sont pressentis et peut suspendre la formation du gouvernement autant qu’il le voudra s’il n’est pas d’accord sur la proposition qu’on lui soumet ». M. Rizk va jusqu’à critiquer les prédécesseurs de Michel Aoun, qui, a-t-il dit « ont accepté de faire des compromis ».
Prié de commenter le concept du renflouement d’un président qui aspire à être fort en tablant notamment sur un groupe parlementaire et des ministres qui lui sont fidèles, M. Rizk répond en soulignant que le « président tire sa force de lui-même et de ses prérogatives sans avoir besoin du soutien d’un parti. Car, dit-il, s’il se prévaut d’un parti, il perd sa compétence ».