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Bint Jbeil est restée, malgré tout, un peu communiste…

Le taux de participation a atteint les 35 % dans le caza de Bint Jbeil. Dans le chef-lieu du caza, une bataille a opposé le duopole Hezbollah-Amal à une liste regroupant des indépendants et des candidats du Parti communiste.

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Au Liban-Sud, même si rien ne peut contrer la machine électorale du tandem Hezbollah-Amal, qui a présenté des listes ayant pour intitulé « liste du Développement et de la Résistance », de nombreux candidats indépendants et de gauche, sur des listes complètes ou incomplètes, ont voulu livrer bataille. Les membres de ces listes ne se présentaient pas comme des opposants au Hezbollah et au mouvement Amal, mais qualifiaient leur campagne de « bataille entre familles, ou entre les jeunes et les vieux ». Cela est bien vrai, à part dans 96 municipalités du Liban-Sud où des candidats communistes indépendants ou sur des listes communistes et soutenues par les partis de gauche se présentaient aux élections.
C’est la première fois depuis la libération de la bande frontalière de l’occupation israélienne, en mai 2000, que le Parti communiste est présent avec une telle ampleur dans les élections municipales du Sud. Ce parti est implanté dans plusieurs régions depuis le début des années 30, notamment auprès de la communauté chiite de la bande méridionale du pays.
Bint Jbeil, chef-lieu de caza, est pour le Hezbollah la « forteresse de la résistance ». Pour les communistes de la ville aussi. Mais différemment. Hier, une liste incomplète de six candidats, tous communistes, faisait face à la liste complète de 21 candidats d’Amal-Hezbollah.
« Le premier homme tombé en martyr avec l’OLP en 1969 à la frontière avec Israël était un communiste de Bint Jbeil. Durant les années 70 et en 1982, nous nous sommes acharnement battus contre l’État hébreu. Les communistes du Liban-Sud ont donné 1 500 martyrs en résistant à Israël. Nous sommes les pères de la résistance, une résistance laïque bien différente de celle-là », indique Rateb, venu de Beyrouth pour voter.
Wajdan est pharmacienne. Elle est bronzée, elle a les cheveux découverts et porte un tee-shirt sans manches, dans une région où les femmes se couvrent de plus en plus la tête et le corps. Wajdan s’était présentée aux élections en tant que candidate du Parti communiste en 2002. C’était les premières élections municipales tenues dans la bande frontalière après le retrait israélien.
« Aujourd’hui, la vente d’alcool à Bint Jbeil est interdite. Si on veut aller à un festival ou une fête en été, on va à Aïn Ebel (village chrétien limitrophe de la localité). Ils (les partisans du Hezbollah) ont interdit la musique et les fêtes pour les mariages à Bint Jbeil alors que dans le village du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, à Bazouriyé, il y a deux salles de fête. Je pense qu’ils traitent Bint Jbeil de cette façon parce que dans leur conception, “la forteresse de la résistance” ne peut pas être une ville qui respire la gaieté », indique Wajdan.

« La société est en train de bouger »
« Les dernières élections législatives, nous les avons menées avec un budget de 800 dollars. Là, on n’a pas le sous. Mais nous profitons de la machine électorale du Hezbollah qui a mis à la disposition des personnes habitant la banlieue sud des bus pour venir voter. J’ai douze oncles, tantes, cousins et cousines. Ils ont emprunté gratuitement ces bus mais ils voteront pour la liste communiste », renchérit un jeune homme qui a requis l’anonymat.
Wajdan poursuit : « Sur notre liste de six, nous avons une femme. J’ai moi-même ajouté sur mon bulletin de vote deux autres femmes indépendantes qui se présentent aux élections. Je pense que ce sont les dernières municipales où le Hezbollah l’emportera. La société (la communauté chiite) est en train de bouger. »
Il convient de signaler que les six candidats de la liste communiste ne travaillent pas ou ne disposent pas de commerce à Bint Jbeil. Ils habitent Beyrouth. Selon diverses sources, l’un des moyens de pression du Hezbollah au Liban-Sud contre ses opposants qui habitent la région est de les marginaliser à l’intérieur des villages, par exemple en cessant d’acheter des produits chez eux si ces opposants ont des fonds de commerce.
« C’est l’intérêt qui mène le monde. C’est comme cela que le Hezbollah a gagné du terrain à Bint Jbeil, qui était l’un des fiefs du communisme au Liban-Sud », note de son côté Fayçal Ayoub, l’un des candidats de la liste communiste. Lui-même possède un café à l’avenue Béchara el-Khoury à Beyrouth, baptisé depuis longtemps « le Café de la laïcité ». « À Bint Jbeil, nous avons besoin de projets de développement. Tout est à faire. Personne n’a mis en place, après le 25 mai 2000 (date officielle du retrait israélien du Liban-Sud) des plans pour aider la population afin qu’elle devienne financièrement indépendante des jougs des partis politiques », poursuit-il.
À Aïnata, trois listes s’affrontaient, l’une complète de 15 membres, soutenue par le Hezbollah et le mouvement Amal, et deux autres incomplètes : une liste de huit candidats indépendants soutenus par les communistes du village et une autre de quatre membres formée de jeunes.
Interrogé sur le taux de participation au village, un jeune homme répond : « Peu de gens ont voté. Vous savez, beaucoup de personnes originaires de la localité sont à l’étranger. Un très grand nombre se trouvent en Syrie. Non, non, ce n’est pas qu’ils font la guerre, ils se promènent sur les grandes avenues ! » Au cours des trois dernières années, cinq hommes de la localité ont été tués en Syrie dans les rangs du Hezbollah.
Notons que des listes complètes constituées de communistes et soutenues par les partis de gauche étaient en lice dans plusieurs localités dans d’autres régions du Liban-Sud. C’était le cas à Houla, dans le caza de Marjeyoun, et à Kfarremmane, dans le caza de Nabatiyé, fief historique du parti.