L’éditorial
Admirable abnégation ou simple réalisme ? Dignité propre aux véritables hommes d’État ou pathétique grandeur de circonstance cachant bien mal un aveu de faillite ? On épiloguera longtemps encore, sans doute, sur la décision de François Hollande, theâtralement annoncée jeudi, de ne pas briguer un second mandat présidentiel : du jamais-vu depuis l’avènement de la Ve République, pépinière de présidents nantis de vastes pouvoirs et invariablement portés à reprendre du service.
Mais le locataire de l’Élysée avait-t-il vraiment d’autre issue que d’emprunter la plus engageante de ces portes cruellement étroites qui lui étaient offertes ? Au plus bas de sa popularité, ouvertement défié par son ministre de l’Économie, puis par son Premier ministre, confronté à une pléthore de candidatures au sein d’une gauche menacée d’implosion, c’est à une humiliante défaite au stade des primaires qu’il se risquait en demeurant dans la course. Même passé, par miracle, le cap de la sélection partisane, c’est un revers non moins dur – l’élimination dès le premier tour du scrutin – qui l’attendait, selon toute probabilité. Ne restait dès lors au président que l’amère consolation d’un panache que lui reconnaissent volontiers (avec, parfois, des torrents de larmes de crocodile) ses ambitieux compagnons de route, devenus ses rivaux.
Une présidence qui, de François Hollande, paraît promise à François Fillon : au gré des surprises que réserve la mondialisation, les implications de cette perspective ne sont évidemment pas l’affaire des seuls Français ou même des seuls Européens. À en juger en effet par les positions affichées durant la campagne électorale, forcément affectée sera la gestion internationale d’un brasier syrien qui menace de ses flammes l’intégralité de notre région. Avec l’Allemagne d’Angela Merkel (elle-même en délicate posture électorale), la France de Hollande est une de ces rares puissances occidentales vouant encore la même et profonde aversion aux fanatiques de Daech et à la tyrannie syrienne. Ce ne sera guère le cas de la France selon Fillon, qui accordera une nette priorité à la lutte contre les terroristes jihadistes : dans la grisaille des spéculations, on croit voir s’esquisser ainsi une troïka articulée autour de la Russie de Poutine et de l’Amérique de Trump…
Resterait alors à expliquer au reste de la planète en quoi une Syrie débarrassée d’un seul de ses deux maux, à l’exclusion de l’autre, une Syrie laissée à la garde de son propre et impitoyable bourreau serait une Syrie véritablement reconstituée : une Syrie renouant en totale harmonie avec son ancienne texture socio-communautaire ; une Syrie plus sereine, plus heureuse, une Syrie désormais rassurante pour ce voisin libanais qu’elle a tant violenté. Et qui reste cher au cœur de la France, quelle que soit la couleur électorale dont choisit de se parer Marianne.