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Boa ambigu

 

Libanais, faites bombance et ronflez tranquilles ! Car en voilà une, de bonne nouvelle : les guignols du Front al-Nosra renoncent à monter en mayonnaise un émirat à Tripoli. Une affirmation qui ne mange pas de pain, puisqu’ils se sont pris une gamelle dans les grandes largeurs depuis que l’armée a mis fin à la pénurie de rasoirs dans cette ville où, il n’y a pas si longtemps, grouillaient et grenouillaient les raseurs de tout poil.
Du coup, la nouvelle saillie primesautière de ces secoués du burnous, orphelins d’Oussama Ben Laden, les place dans le camp des « islamistes modérés », un oxymore brillant inventé par les angelots d’Occident dans la foulée du printemps arabe. Bien entendu, seuls les idolâtres profondément atteints avalent avec sérénité ce genre de boa ambigu.
Car, il ne faut pas l’oublier : au Moyen-Orient, on est toujours le modéré de quelqu’un. Ainsi, un simple preneur d’otages est certainement plus fréquentable qu’un égorgeur de captifs, et ce dernier infiniment plus présentable qu’un adepte du détenu flambé derrière les barreaux d’une cage. Plus la monstruosité fait preuve de créativité dans l’horreur, plus l’atrocité qui l’a précédée finit par devenir comestible.
Aujourd’hui, il est de bon ton d’estimer qu’al-Nosra est plus acceptable que Daech, lequel serait sans doute un jour plus convenable qu’un champignon nucléaire iranien… Vu sous cet angle, on comprend mieux le retour de flamme américain envers ce gentleman-farmer de Bachar el-Assad. Et ainsi de suite, jusqu’au jour où, dans les livres d’histoire, on nous racontera que Saddam Hussein, le gougnafier moustachu de Bagdad, Ismaïl Haniyeh, le disjoncté barbu du Hamas, et Mouammar Kadhafi, ex-master ès lubies de Libye, étaient des sociaux-démocrates qui faisaient de la broderie en écoutant de la musique de chambre.
En cette veille de la fête des Mères, on découvrira aussi que nombre de bébés devenus chefs arabes ont été bercés trop près du mur.