Site icon IMLebanon

Bou Saab aux enseignants : La correction des épreuves officielles ne peut plus attendre

 

La situation

Fady NOUN |

Des trois crises qui agitent la scène politique interne, celles de la présidentielle, de la sécurité et du dossier socioéconomique, c’est ce dernier qui a pris la vedette, hier, avec l’annonce, par le comité de coordination syndicale, d’une grève générale d’avertissement (dans le secteur public), le 6 août, en appui à la nouvelle grille des salaires prévoyant une augmentation générale de 121 % payable sans échelonnement.

Tout indique que ce sera un nouveau coup d’épée dans l’eau pour le tandem Hanna Gharib- Nehmé Mahfoud. En effet, une bonne partie des membres du Parlement, dont l’ancien chef du gouvernement Fouad Siniora, auquel aucun rouage des finances publiques n’échappe, sont hostiles à une augmentation de cet ordre, évaluée à plus de 2 milliards de dollars, et en redoutent les effets inflationnistes. « Pour un observateur rationnel, c’est pure folie », insiste M. Siniora, pour qui l’augmentation doit être revue à la baisse, et elle devra même, auquel cas, être échelonnée sur deux ou trois ans, sans compter que des recettes extraordinaires, dont une augmentation de 1 % de la TVA, sont indispensables pour en couvrir les dépenses.
Le député et ministre Nabil de Freige a précisé hier, à notre intention, que le budget 2014 – qui n’a toujours pas été voté – accuse déjà un déficit de l’ordre de 7 000 milliards de livres (environ 5 milliards de dollars) et que l’approbation de la grille des salaires risque de faire passer ce déficit à 10 000 milliards de livres, « ce qui est hors de question ».

Équilibre recettes-dépenses
La grille des salaires est tributaire d’un équilibre entre les dépenses et les recettes, souligne encore Nabil de Freige. Or, si les dépenses d’un budget son prévisibles et bien définies, les recettes obéissent à d’autres lois et peuvent être aléatoires. Ainsi, les recettes des trois premiers mois de 2014 sont inférieures de 17 à 18 % à celles de 2013 pour la même période.
Ces chiffres ont de nouveau été passés en revue hier soir entre le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, M. Siniora et Waël Abou Faour, du PSP. M. Siniora, qui se montre toujours positif, a indiqué à L’Orient-Le Jour que la réunion a été marquée par « des progrès ». Des « solutions plausibles » à l’impasse actuelle ont été examinées, mais « des sacrifices doivent être consentis par toutes les parties », a redit M. Siniora. Une éventualité rejetée par le Comité de coordination, qui refuse que l’on touche aux 121 %. Il faut « amincir » la grille, assure pourtant M. Siniora, ajoutant que « la solution n’est pas pour demain ».
L’ancien chef du gouvernement laisse entendre que « l’autre camp » est du même avis ou presque que lui, mais qu’il ne peut « en assumer les conséquences politiques » et préfère donc rester évasif. Même certains leaders syndicaux assurent en privé que le Comité de coordination s’est trop avancé et veulent en finir, mais ne peuvent faire marche arrière, précise M. Siniora.

 

Bou Saab et « l’heure critique »
La carte maîtresse du tandem Gharib-Mahfoud dans leur négociation avec les pouvoirs publics, ce sont les examens officiels, en particulier ceux des classes terminales, dont ils ont suspendu la correction jusqu’à la satisfaction de leurs revendications.
Le ministre de l’Éducation et de l’Anseignement supérieur, Élias Bou Saab, qui a pris le parti des enseignants, est monté hier au créneau pour les avertir que « l’heure critique » est là, que l’avenir de milliers d’élèves postulants à des universités au Liban et à l’étranger est désormais en jeu et qu’ils doivent renoncer provisoirement à jouer cette carte.
« J’appuie vos droits, mais l’avenir des étudiants relève aussi de mes responsabilités », a dit M. Bou Saab, conscient que « si la situation se prolonge, certains des étudiants vont perdre leurs bourses ».
Le ministre de l’Éducation et d l’Enseignement supérieur a répété qu’il ne contournera pas la décision des enseignants en faisant appel à des contractuels pour corriger les examens, mais il a également exercé une pression extraordinaire sur ces derniers pour les convaincre que d’autres occasions se présenteront pour faire pression, « à la seconde session et à la rentrée ». « Vos droits ne mourront pas », les a-t-il rassurés.

La présidentielle
Sur le dossier de la présidentielle, la journée d’hier n’a rien apporté de nouveau, sinon l’accentuation de la polémique significative qui oppose Ziad Assouad au patriarcat maronite, qui reproche de plus en plus ouvertement aux députés chrétiens du 8 Mars de se dérober à leur devoir constitutionnel en ne se rendant pas au Parlement.
Pour recentrer le débat et bien montrer la nécessité d’un candidat à la présidence qui ne soit ni du 8 Mars ni du 14 Mars, le patriarche a reproché aussi à ce dernier camp de bloquer la présidentielle à travers son appui à la candidature de M. Samir Geagea. En tout état de cause, les alliés de Michel Aoun commencent à s’impatienter et cherchent à convaincre ce dernier que sa bataille pour imposer sa candidature est perdue et qu’il doit l’accepter. Des observateurs assurent que ce fut l’un des sujets abordés durant la rencontre Walid Joumblatt-Hassan Nasrallah.
Mais si la présidentielle prend encore le pas sur les législatives, la question de la loi électorale va s’imposer de plus en plus fortement, à mesure que l’on se rapproche de la date du 20 août (trois mois avant la date d’expiration du mandat prorogé du Parlement, le 20 novembre 2014). Selon l’ancien ministre de l’Intérieur Ziyad Baroud, le 20 août correspond à la date limite à laquelle la convocation du corps électoral doit paraître au Journal officiel. L’échéance de la convocation est donc plus proche qu’on ne le croie, et il existe de forte chances que la Chambre proroge une fois de plus son mandat pour éviter qu’une vacance législative ne s’ajoute à la vacance présidentielle si Michel Aoun s’obstine dans sa guerre d’usure.

La sécurité
Sur le plan de la sécurité, la journée d’hier a été marquée par la réapparition sur Twitter des « Brigades sunnites libres de Baalbeck », dont le compte avait été identité et fermé une première fois.
« L’État islamique » est-il aux portes du Liban ? C’est ce que dit redouter Walid Joumblatt, et c’est ce qui mobilise le Hezbollah, dont les pertes en vies humaines ont repris, alors qu’il y a deux mois, il croyait avoir maîtrisé le front du Qalamoun.
Pour une source diplomatique occidentale, toutefois, « l’État islamique n’est que le repoussoir, l’ennemi idéal dont le régime syrien a favorisé la création et qu’il manipule dans le but de discréditer une fois pour toutes son opposition interne et montrer au monde qu’il demeure incontournable ».