Tout au long des sentiers purulents de la politique politicienne, des chemins putrides d’une insécurité rampante, le « Liban du cèdre éternel » exhale chaque jour un peu plus les miasmes d’une pourriture avilissante nourrie au sein d’un clientélisme atavique, entretenue dans les chasses gardées de chefs de clan qui se prennent tous pour des messies.
Vacance présidentielle, vacances parlementaires prolongées, vacuité ministérielle : un jeu de mots pour dépeindre une triste réalité, celle d’une démission collective, d’une irresponsabilité criminelle, alors que d’un secteur à l’autre, d’une région à une autre, se dévoilent à chaque lever de soleil un nouveau scandale, une nouvelle turpitude, qui se perdent immanquablement dans les arrangements conclus entre « personnes de bonne compagnie ».
« Je te tiens, tu me tiens par la barbichette » : et c’est ainsi que l’on passe d’une « grosse affaire » à une « affaire » encore plus juteuse, de péripéties « électriques » à des flatulences d’ordre alimentaire, de dépotoirs triés sur le volet à des délires écologiques, les barrages de la discorde n’arrivant même pas à faire barrage aux appétences des uns, aux folles croisades des autres… Et pour placer la cerise pourrie sur le gâteau infecté, on joue à la roulette russe au Casino du Liban, administrateurs et employés aux abonnés absents se disputant la palme du meilleur rôle dans la catégorie corruption et mensonges.
Et pour ne pas être en reste, les représentants de la nation s’engouffrent dans la mêlée qui pour défendre, très opportunément, « la veuve et l’orphelin », qui pour régler leurs comptes à des adversaires politiques de longue date. Et quand la situation se corse, quand les esprits s’échauffent, ces dignes porte-parole de la nation se donnent alors rendez-vous sur les lieux du litige pour bien montrer de quel bois ils se chauffent…
C’est évidemment à désespérer de tout et de tous, et l’on ne s’en sortira pas tant que les mêmes responsables resteront aux commandes, tant que les mêmes communautés continueront à s’étriper pour se partager le même gâteau et tant que les citoyens y trouveront leur compte parce que « c’est comme ça que fonctionne le pays », parce que c’est comme ça qu’ils obtiendront satisfaction, qu’ils aient ou non raison…
Selon une récente étude de l’association Sakker el-Dekkené, un Libanais sur deux se dit prêt à avoir recours à des pratiques de corruption pour arriver à ses fins. Entre corrupteurs et corrompus, l’entente est évidemment totale et dans les administrations publiques fleurit ainsi un « gentleman agreement » tacite, une « tradition » qui se perpétue de père en fils qui fait que les formalités se débloquent comme par enchantement dès lors que la main est mise à la poche…
Les Libanais écœurés, qui décident alors d’aller voir ailleurs si les choses se portent mieux, auront à leur départ, au port ou à l’aéroport, un dernier aperçu du « trésor » qu’ils vont abandonner : là, des grèves pour protester contre des magouilles à sens unique, ailleurs, une caverne d’Ali Baba où les contrôles se limitent aux jours ouvrables quand l’inspection centrale se décide enfin à montrer le bout de son nez…
Et l’on s’étonne encore que le « voyourisme » prolifère, que les armes sortent régulièrement de leurs étuis et que les partisans de Hassan Nasrallah mettent le feu à la ville à chaque discours qu’il prend la peine de prononcer. Tout cela a un nom : l’État de droit à la libanaise. Les victimes collatérales auront beau protester, le train en marche, celui de l’asservissement et de la corruption, ne s’arrêtera pas en si bon chemin…