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Ce que cache la mission Satterfield…

Philippe Abi-Akl

Le secrétaire d’État adjoint américain pour le Proche-Orient, David Satterfield, poursuit sa médiation entre le Liban et Israël au sujet du litige sur les hydrocarbures offshore, et plus précisément sur le bloc 9 de la Zone économique exclusive (ZEE) du Liban, situé près de Nakoura. À son retour d’Israël, M. Satterfield a proposé aux responsables libanais une alternative au « plan Hof », qui prévoyait de donner 40 % de la zone litigieuse à Israël, c’est-à-dire 860 km², et 60 % au Liban. Mais Tel-Aviv aurait revu ses conditions à la baisse et ne réclamerait plus que 25 % du bloc 9, selon des sources politiques, citant des responsables qui ont rencontré l’émissaire américain à son retour d’Israël. Les négociations entre le Liban et Israël repartent donc de zéro. Des sources proches de la réunion tripartite de Nakoura jeudi affirment que Beyrouth a refusé la nouvelle proposition israélienne, refuse toute polémique sur la propriété du bloc 9 et s’attache à ses droits maritimes et en hydrocarbures. En fait, le véritable conflit porterait sur une zone de 130 km², aux frontières du bloc 9, mais, derrière la revendication de ses droits, Israël chercherait à acquérir une part des blocs 8, 9 et 10, ce que bien des experts internationaux contestent, en donnant raison au Liban dans le litige.

Selon des sources politiques, la médiation Satterfield serait conforme à la politique de l’administration Trump au sujet du Liban, qui est fondée sur une vision stratégique visant à éviter les risques d’une opération militaire pouvant déstabiliser le Liban et, partant, la région. Les responsables US tenteraient ainsi de concilier les revendications israéliennes relatives au bloc 9 et la position du Liban qui, attaché à ses droits, refuse toute concession ou négociation. De sources ministérielles, la dynamique américaine se baserait sur la volonté de Washington de préserver la stabilité à la frontière avec Israël.

David Satterfield tenterait donc de dégager des points communs entre les deux parties pour faire avancer les négociations.

Trois sociétés ont été choisies dans le cadre des appels d’offres pour l’exploration des eaux libanaises : il s’agit de Total, ENI et Novatek qui se préparent à initier leurs travaux en 2019 au niveau du bloc 4 de la ZEE libanaise, situé près de Selaata (Liban-Nord). C’est une fois ces travaux entamés que les regards se dirigeront sur le bloc 9, et la prospection pourrait commencer à 25 km de la zone de conflit, indiquent des ressources proches des sociétés pétrolières. Le Liban poursuit ses préparatifs dans ce cadre et une conférence sur le pétrole et le gaz organisée par des sociétés mondiales est prévue les 24 et 25 mars à l’hôtel Habtoor, avec la participation d’experts mondiaux et de représentants de sociétés d’exploration.

Selon des sources politiques responsables, Israël a œuvré, depuis l’hiver dernier, pour l’ouverture d’une nouvelle page avec le Liban, via des messages transmis aux responsables libanais par des diplomates de passage à Beyrouth. Tel-Aviv s’est dit disposé à des négociations sur les 13 points qui font l’objet d’un litige à la frontière sud, ainsi qu’à une solution non militaire et politique, suite à quoi un accord serait trouvé sur le conflit en mer dans la foulée. Israël aurait également fait part d’une volonté de s’entendre avec le Liban sur les accords terrestres et maritimes. Mais le Liban a refusé cette proposition, s’attachant à ses droits et à ses ressources. Beyrouth continue de croire que c’est à l’ONU de trancher le conflit maritime et terrestre et de tracer les frontières de manière définitive.

Des sources ministérielles notent que l’administration Trump et Tel-Aviv tentent, à travers la médiation Satterfield, de profiter du conflit frontalier maritime et terrestre afin de pousser le Liban et Israël à des négociations directes, une fois que l’émissaire américain aura réussi à déterminer certains points communs entre les deux parties pour régler le conflit. Ces efforts seraient à replacer dans le cadre d’une solution régionale que concocterait Washington sur base du projet de Donald Trump pour une paix à la mi-mars. En attendant, le Liban-Sud et la frontière entre le Liban et Israël doivent rester calmes, loin de tout aventurisme, et la médiation Satterfield en serait la garantie.