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Ce que peuple vœux

Santé, bonheur, prospérité : trois petits mots qui résument ce que la vie a de meilleur à offrir. Trois petits mots qui tiendront la vedette dans les messages de vœux que, dès ce soir, vous balancerez à l’aide de votre smartphone sur un réseau déjà engorgé. Croyant(e) ou non, vous en appellerez sans doute à la Providence pour que soient exaucés vos vœux ; mais comment oublier hélas qu’il n’y va pas de la seule Providence mais aussi de la compétence, de l’intégrité, de l’ardeur au travail de ceux qui nous gouvernent ?
Bien longue, et pour cause, est la liste des miracles – je ne trouve pas d’autre mot – qu’attendent les Libanais de l’an 2015. L’élection d’un nouveau président de la République et la libération, sains et saufs, des militaires que détiennent les terroristes islamistes seraient, par exemple, un beau début. Suivrait alors l’adoption d’une loi électorale qui, en rendant enfin justice aux diverses communautés, épargnerait à notre pauvre démocratie la honte d’un Parlement un peu trop enclin à se reconduire lui-même. Avec un peu de chance, on verrait même porter des fruits, au plan de la sécurité publique du moins, ce dialogue qui vient d’être engagé entre le courant du Futur et le Hezbollah.
Il n’y a pas cependant que la violence idéologique, sectaire, milicienne, guerrière qui tue, qui menace notre santé et notre prospérité, sans parler de notre bonheur. Non moins choquant que la cruauté des égorgeurs de Daech est en effet ce mépris de la vie humaine qui, à plus d’un niveau, s’est installé dans notre vie quotidienne. Que les responsables aient enfin commencé à le comprendre et à essayer d’y parer est déjà un grand pas en avant, un motif d’espérance – frustement terre à terre et néanmoins réconfortant – pour l’année nouvelle. La croissance exponentielle de la flotte automobile, les embouteillages inextricables et la fréquence des accidents graves aidant, on vient de s’apercevoir ainsi que le Liban ne peut plus continuer de fonctionner sans code de la route. Cette bête rare, on nous la promet pour le printemps prochain ; y aura-t-il, à cette date, une nouvelle génération d’agents suffisamment qualifiés pour en imposer aux chauffards et aux nuées vrombissantes de scooters se jouant des feux rouges et des sens interdits ? Croisons toujours les doigts…
Littéralement vitale, elle aussi, est la campagne lancée contre les empoisonneurs publics par le ministre de la Santé qui mériterait bien d’être désigné homme de l’année. Car non seulement Waël Bou Faour a traqué, continue et continuera de traquer les pourvoyeurs de mort lente, ces criminels qui font commerce de produits alimentaires avariés. Mais il pourrait bien avoir initié, au sein du gouvernement, ne serait-ce qu’une amorce de commencement d’opération mains propres touchant à des domaines aussi divers que le vol des biens publics et le pillage des recettes douanières. Quel thème plus mobilisateur pour une opinion publique par trop apathique ?
Car autant que de santé, c’est de prospérité aussi qu’il s’agit là : celle du peuple, compromise par l’insatiable rapacité d’une classe politique largement affairiste et des parasites implantés dans les services étatiques. Les rongeurs sont partout, et ce n’est pas encore assez que de dératiser entrepôts de vivres et silos à grain. Bon réveillon quand même et bonne année.