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Chamel Roukoz, l’homme qui commande les commandos

PORTRAIT

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Son nom est sur toutes les lèvres, ses photos font le tour des réseaux sociaux, il est même au cœur de nombreux débats, mais Chamel Roukoz reste une énigme, silencieux par nature et par profession.
Chef des commandos de l’armée depuis 7 ans, le général Roukoz est de toutes les grandes batailles de ces dernières années, où son courage n’a d’égal que sa loyauté envers l’armée libanaise. La notoriété, l’admiration des jeunes, il ne les a pas cherchées, mais elles lui collent à la peau au fur et à mesure que sa réputation d’homme de combat grandit et que les batailles qu’il a menées de Nahr el-Bared à Abra, en passant par Ersal et Tripoli, deviennent des victoires pour l’armée et pour le Liban.

Au sein d’une armée ballottée entre les tiraillements politiques et engagée dans une guerre sans merci contre le terrorisme et ses cellules dormantes ou en éveil au Liban, Chamel Roukoz est en train de devenir une légende. Il n’y a pour cela qu’à se rappeler comment, en le reconnaissant, les militants de la campagne « Vous puez ! »,
qui voulaient s’en prendre à la voiture aux vitres fumées (il en utilise plusieurs qui ne lui appartiennent pas pour des raisons de sécurité) qui passait devant eux, l’ont salué avec respect, toute agressivité rentrée. Même dans sa région de Tannourine, lorsqu’il apparaît pour une obligation sociale, toute la bourgade se précipite pour lui parler ou prendre des photos avec lui. Le général se prête volontiers aux demandes des gens, prend de leurs nouvelles, mais reste discret sur lui-même. Comme tous les militaires, par vocation, il n’est pas bavard…

Ses proches racontent que dès son plus jeune âge, à l’école des Frères à Jbeil, il avait eu le rêve de devenir membre des commandos de l’armée, tant cette troupe lui paraissait représenter les valeurs de courage, de dignité et de dévouement jusqu’au sacrifice pour la patrie. Il a gardé ce rêve pendant des années et a fini par le réaliser. Et aujourd’hui, aux jeunes recrues qui s’enrôlent pour suivre sa trace, il dit : « Ne perdez pas votre rêve et ne laissez personne vous l’arracher. C’est lui qui vous fera vivre et vous permettra de faire de grandes choses. »
Le général Roukoz a commencé par entrer à l’école militaire en 1980 avant de devenir officier en 1983. Il a ainsi servi sous les commandants en chef qui se sont succédé à la tête de l’armée, depuis le général Ibrahim Tannous jusqu’au général Jean Kahwagi, en passant par les généraux Michel Aoun, Émile Lahoud et Michel Sleiman. Aucun de ceux-là n’a d’ailleurs eu à se plaindre de lui, tant il est un officier respectueux des règlements tout en étant doté d’un sens aigu du devoir. Il a intégré la troupe d’élite dite des maghawir (les commandos) depuis près de 20 ans, mais ce n’est qu’il y a sept ans qu’il en est devenu le chef. Depuis, il n’a cessé de développer cette troupe qui compte désormais 1 500 militaires, répartis sur l’ensemble du territoire libanais.

Les maghawir sont de toutes les batailles importantes, fer de lance de l’armée et véritable troupe de choc chargée des missions les plus difficiles, celles aussi qui exigent un véritable contact avec la population. Chamel Roukoz est en effet convaincu que ce qui fait la différence entre l’armée libanaise et les autres troupes de la région, surtout celles qui se sont effondrées face aux crises, c’est que la première est celle du peuple, entretenant avec lui une relation particulière faite d’amour et de respect, alors que les autres sont celles des régimes et n’ont d’autre objectif que de protéger le pouvoir en place. D’ailleurs, le chef des commandos tient à cette relation avec la population, qu’il cherche constamment à développer à travers les activités sportives lancées il y a quelques années, comme Faire de la marche avec un meghwar, qui permet aux commandos de faire à pied le tour du Liban, avec les habitants des différentes régions…

Pour le général Roukoz, tel est le secret de la réussite de l’armée libanaise dans la guerre menée contre le terrorisme. Ses hommes sont pour lui comme ses enfants, il connaît leurs problèmes et écoute leurs doléances, mais lorsqu’il s’agit de se battre, il est des plus fermes, avec pour seul souci : défendre le Liban, sans compromis ni compromission. La politique, ce n’est pas son monde, ni son rêve, et encore moins son ambition. C’est peut-être ce qui dérange d’ailleurs… Comme disent ses amis, il sert au sein de l’armée depuis 32 ans et n’est le gendre du chef du CPL que depuis 4 ans. On ne peut donc pas réduire sa carrière et même sa vie à ce statut civil. Son mariage avec Claudine Aoun est une belle histoire d’amour. Ensemble, ils ont fondé une famille, mais cela reste dans le cadre privé. La grande passion de Chamel Roukoz, c’est bien l’armée, cette grande dame envahissante qui occupe la plupart de son temps et de ses pensées et dont il souhaite faire la véritable garantie pour les citoyens et pour le Liban.

Ses amis disent que Chamel Roukoz sait que les politiciens essayent d’utiliser l’armée pour servir leurs ambitions et leurs intérêts, et que c’est pour cette raison qu’il évite de les fréquenter, tout en ayant de bonnes relations avec tous. Même à ses proches, il ne parle pas beaucoup des détails de la bataille de Nahr el-Bared, qu’il a menée sous les ordres du général François Hajj, assassiné depuis, ni de celles de Ersal ou de Abra, où il lui est arrivé de fermer ses téléphones pour ne pas écouter les demandes des politiques. Il a vu ses plus proches collaborateurs mourir et il a pleuré ses hommes tombés à Abra et Ersal, mais toutes ces épreuves ne sauraient pas ébranler sa confiance dans l’armée et son rôle. Le rêve qu’il a fait enfant de servir son pays en portant l’uniforme est toujours intact, et il y ajoute désormais un zeste de révolte, celle des hommes justes face à l’injustice, à la calomnie, aux tentatives de détruire sa vision et de briser son rêve.

Le Liban, Chamel Roukoz l’aime en bloc et dans le détail. Sa maison est toujours ouverte, non parce qu’il a des ambitions politiques, mais parce que du temps de son père, il en était toujours ainsi. « Quand il y en a pour un, il y en a pour plusieurs », disaient ses parents, et il n’a jamais voulu changer cette habitude. Mais c’est surtout à Laqlouq, dans la quiétude de ce plateau entouré de montagnes impressionnantes, où le ciel semble à portée de main, qu’il se sent le mieux. Dans le silence paisible de cette région éloignée, il n’entend, dit-il, que la voix de la patrie…