Les services de renseignements des Forces de sécurité intérieure ont réussi jeudi soir un coup de filet magistral, supervisé par le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, contre des islamistes, en tuant le repris de justice Oussama Mansour et en arrêtant le cheikh salafiste Khaled Hobloss à Tripoli. Les deux hommes sont accusés d’implication dans des combats meurtriers contre l’armée dans le quartier à majorité sunnite de Bab el-Tebbané à Tripoli.
Dans un communiqué publié hier, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont indiqué que suite à plusieurs mois de surveillance, d’investigations et de mise sur écoute téléphonique, ils ont pu identifier le lieu exact où se trouvait le cheikh Khaled Hobloss, recherché par la justice, à Tripoli. Une patrouille s’est dirigée vers l’endroit indiqué et a procédé à l’arrestation du cheikh salafiste ainsi que du conducteur de la voiture de type Kia Picanto, Amir el-Kerdi, à bord de laquelle il se trouvait. C’est à ce moment précis qu’une personne assise près du chauffeur d’une deuxième voiture, de type Opel, arrivée sur les lieux, a tiré des coups de feu en direction des agents de sécurité faisant deux blessés. D’autres agents de la patrouille ont riposté aussitôt, tuant sur le coup les deux passagers. L’auteur des tirs s’est avéré être Oussama Mansour, un islamiste en cavale depuis la dernière bataille de Tripoli. Il portait sur lui une ceinture d’explosifs, désamorcée plus tard par un expert. Le conducteur, quant à lui, se nommait Ahmad el-Nazer.
Après cette opération, l’armée a fait circuler, tôt vendredi, des patrouilles à Tripoli et pris position à Bab el-Tebbané où des manifestants ont lancé des pierres contre les soldats, qui ont tiré en l’air pour les disperser.
Les premières informations découlant de l’enquête qui a débuté avec Hobloss au siège des services de renseignements des FSI à Beyrouth ont dévoilé que celui-ci avait essayé de changer d’identité et de physionomie afin de se déplacer librement sans être reconnu. Il avait en effet non seulement pris du poids, mais aussi rasé sa barbe et détenait de faux papiers d’identité. Il a essayé tout au long et même après son arrestation de nier sa véritable identité, mais il a fini par avouer lors de son interrogatoire. Il s’est avéré de même qu’il vivait depuis quelques mois au Koura dans un appartement que les FSI ont perquisitionné hier à l’aube. Selon les FSI, l’enquête ne sera ni facile ni rapide, vu le rôle important joué par le cheikh salafiste dans les affrontements de Tripoli qui ont opposé des combattants sunnites à l’armée. La troupe avait perdu une dizaine de soldats en octobre dernier.
Une « prise précieuse »
Khaled Hobloss est une « prise précieuse » pour les FSI, a estimé Moustapha Allouche, ancien député du bloc parlementaire du Futur, lors d’un entretien téléphonique avec L’Orient-Le Jour. « Ce cheikh salafiste qui fait l’objet de plusieurs mandats d’arrêt n’a pas raté une seule occasion durant trois ans d’alimenter la haine des Libanais sunnites contre l’armée et contre la communauté chiite », a ajouté M. Allouche. Pour ce membre du bureau politique du courant du Futur, l’arrestation de Hobloss est aussi importante, sinon plus importante sur le plan sécuritaire, qu’une prise de Chadi al-Mawlaoui, toujours fugitif. Le dignitaire salafiste Hobloss avait essayé de rejoindre Ahmad el-Assir lors des combats de Abra, au Liban-Sud, en juin 2013, mais l’armée l’en avait empêché en l’encerclant dans la capitale du Nord. Il avait par ailleurs appelé à maintes reprises les militaires sunnites à faire défection et à abandonner l’armée qu’il qualifiait d’« iranienne » et rejeté d’emblée le plan de sécurité qu’il remettaits ans cesse en cause.
Quant à Oussama Mansour, qui faisait l’objet lui aussi de plusieurs mandats d’arrêt, il était accusé d’avoir initié plusieurs attaques contre l’armée et avait affirmé avec Chadi el-Mawlaoui être un sympathisant du Front al-Nosra. Ahmad el-Nazer, lui, faisait partie du groupe Oussama Mansour et Chadi el-Mawlaoui et avait participé activement aux affrontements de Tripoli contre la troupe.
Réponse de Machnouk au conseil des ulémas
Dans une réaction à l’opération sécuritaire, le conseil des ulémas a affirmé son soutien à l’application du plan de sécurité et à l’arrestation de tous les terroristes et repris de justice, à l’image de Mansour, sur tout le territoire libanais. Les ulémas ont tenu néanmoins à rappeler, dans un communiqué publié hier, que des terroristes responsables des attentats contre les mosquées al-Takwa et al-Salam et d’autres de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri courent toujours. Ils se sont demandé par ailleurs « pourquoi les forces de l’ordre ne procèdent qu’à l’arrestation de criminels appartenant à une communauté particulière ? »
Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, qui s’est rendu au chevet des agents des FSI blessés afin de leur apporter son soutien et de les féliciter du succès du coup de filet, a déclaré que le plan de sécurité doit être parachevé « afin d’anéantir les nids de terroristes ». En réponse au conseil des ulémas, le ministre a assuré : « Nous n’épargnerons aucun suspect ou repris de justice, quelle que soit sa confession ou son affiliation politique sur tout le territoire libanais, aussi bien au Sud que dans la Békaa-Ouest ou la banlieue sud ». Il a tenu par ailleurs à préciser que les agents des FSI ont simplement riposté aux tirs les visant et que Khaled Hobloss était la véritable cible de la patrouille et non Oussama Mansour dont la présence sur les lieux a surpris les forces de l’ordre.
Le ministre de l’Intérieur s’est rendu ensuite au siège de la direction générale des FSI où il a félicité les agents pour le succès de l’application de l’une des phases du plan de sécurité dans la deuxième ville du Liban.
Une source proche du ministre de l’Intérieur avait déclaré plus tôt en soirée à L’OLJ que cette opération majeure couronne, comme celle de Roumieh, le succès de l’application du plan sécuritaire. Selon cette source, il n’y a aucune crainte d’une réaction sunnite à la mort de Oussama Mansour et à l’arrestation de Hobloss car Tripoli n’est pas et ne sera pas un environnement propice à l’épanouissement de l’intégrisme et du terrorisme. « Tous les partenaires politiques sont d’accord sur l’application du plan de sécurité qui symbolise un semblant d’unité nationale et réfute la théorie de l’impunité qui primait au Liban depuis toujours », a ajouté la source. « Mais n’oublions pas que beaucoup de fugitifs sont encore libres et seront rattrapés bientôt par la justice, notamment Rifaat Eid », a conclu la source.