LA SITUATION
Bien entendu, le marasme politique et la paralysie progressive des institutions avaient toujours la vedette, hier, dans l’actualité politique, mais on ne pouvait en même temps que se féliciter, incidemment, que des scandales comme celui de la torture à la prison de Roumieh aient enfin été éventés. Et la question classique que tout le monde a le droit de se poser en la circonstance est la suivante : le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, savait-il que l’on torture à Roumieh ? Si oui, pourquoi s’est-il tu ? Si non, que fait-il à l’Intérieur ?
C’est en tout cas le raisonnement que tiennent les parents de détenus à Tripoli, qui ont manifesté hier pour exiger sa démission. L’opinion attend avec impatience, à cet égard, les conclusions de la commission parlementaire présidée par Michel Moussa, qui doit faire la lumière sur cette pénible question. Encore qu’on n’ait jamais encore vu de commission parlementaire faire la vérité et qu’on ne voie pas comment cette dernière fera exception, surtout si elle est présidée par un député du bloc de Nabih Berry, l’homme des demi-teintes et des positions floues.
Ironie du sort, il a fallu que ce scandale fût éventé à quelques jours seulement la Journée internationale de la lutte contre la torture. Le département d’État US nous épingle là-dessus ? Qu’il balaie d’abord devant sa porte. À Guantanamo. Sans compter que, dans la lutte contre le terrorisme, en particulier contre le sadisme clinique dont les images insoutenables nous sont parvenues ces jours-ci, il serait imprudent de faire preuve de laxisme.
La Journée internationale de lutte contre la torture suit la journée de lutte contre la toxicomanie, une autre forme de torture, mais infligée par l’homme à lui-même. Que les principales victimes de ce fléau soient âgées entre 20 et 35 ans en dit long sur la responsabilité immense que l’État assume dans la lutte contre le trafic de la drogue et la protection des jeunes.
(Lire aussi : Torture, bonjour l’hypocrisie !, le billet d’Anne-Marie el-Hage)
Le malentendu Aoun-Hariri
C’est pourtant cet État si nécessaire, si indispensable que des députés, qui semblent avoir perdu la tête, persistent à paralyser en le maintenant sans président, sans Parlement et, depuis trois semaines, sans gouvernement.
Pour ne pas heurter de front Michel Aoun et le Hezbollah, qui insistent pour que la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée figure en tête de l’ordre du jour du Conseil des ministres, Tammam Salam temporise. Des sources proches du courant du Futur citées par l’agence al-Markaziya ont démenti hier l’existence d’un accord entre Michel Aoun et Saad Hariri sur la personne du général Chamel Roukoz comme successeur de Jean Kahwagi.
« Le général sait que c’est faux », a affirmé la source citée ; et de rappeler, en se référant à la dernière rencontre entre les deux hommes, qu’à l’idée lancée par l’ancien commandant en chef de l’armée, M. Hariri avait répondu de façon évasive qu’il ne peut appuyer la nomination d’un homme sans le connaître au préalable. « Il semble, commente la source citée, que le général ait perçu cette simple réserve comme un pourquoi pas. »
Et la source de conclure en affirmant que la position de Saad Hariri à l’égard de la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée est bien connue : pas de veto sur quiconque, mais avant toute nomination, un nouveau chef de l’État doit être élu.
Fneich, Premier ministre ?
Le ministre d’État Nabil de Freige a relevé hier que les propos tenus respectivement par Nabih Berry et Mohammad Fneich se contredisent, et que si ce dernier fait savoir qu’il n’y aura pas de Conseil des ministres avant la fin du mois de ramadan, M. Berry semble plus ouvert à la tenue d’une réunion la semaine prochaine, sinon celle qui suit.
« La Constitution stipule que c’est le président du Conseil qui convoque le gouvernement, et pas Mohammad Fneich, a commenté M. de Freige. Je pense que lorsque M. Salam, dont la manière de faire est toute en souplesse, se rendra compte qu’il ne sert plus à rien d’attendre, il convoquera le gouvernement pour placer tous les blocs devant leurs responsabilités. Nous, le courant du Futur, assisterons à la réunion et insisterons pour que l’ordre du jour soit examiné normalement. L’un des objectifs poursuivis dans la formation de ce gouvernement, c’est la sauvegarde des institutions et de la stabilité, et non pour que de grandes décisions y soient prises. »
Par ailleurs, le ministre d’État s’est étonné de ce que le cri d’alarme des milieux économiques et syndicaux ait été considéré par le général Aoun comme étant « politisé ».
Emboîtant le pas au ministre, des patrons d’entreprise ont affirmé hier qu’ils pourraient aller jusqu’au lock-out pour « réveiller les responsables endormis ». « Nous fermerons nos usines et nous enverrons nos ouvriers à Rabieh toucher leurs salaires », a été jusqu’a dire l’un des piliers des organismes économiques.
On indique, sur un autre plan, que le patriarche maronite a affirmé que le siège patriarcal a pris l’initiative d’un sondage d’opinion après la publication de la déclaration d’intentions entre le CPL et les Forces libanaises. Nous sommes en mesure de dire exactement quelles sont les préférences de la rue chrétienne, font dire les sources qui rapportent cette information aux responsables de l’Église maronite.
« Mais, ajoutent ces sources, le patriarche se gardera de tout faux pas, et s’il doit dire son mot, ce sera seulement après s’être assuré qu’il sera écouté et suivi. »