La querelle politique opposant les Forces libanaises aux Kataëb depuis la signature de l’accord de Meerab, le 18 janvier 2016, semble loin de prendre fin.
Après la récente polémique suscitée par l’absence du chef des Kataëb, Samy Gemayel, à la messe célébrée par les FL pour le repos de l’âme des « martyrs de la résistance libanaise » le 10 septembre dernier, c’est la dernière interview que M. Gemayel a accordée à la MTV mercredi soir qui a provoqué l’ire des milieux proches de Meerab. Dans cet entretien, le député du Metn a fait savoir qu’il définit les rapports de son parti avec le reste des protagonistes à partir des positionnements politiques actuels. « Je suis dans le camp de l’opposition, et ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir sont responsables de la situation actuelle », avait-il dit. M. Gemayel avait évoqué les rapports avec le parti dirigé par Samir Geagea en ces termes : « Le point de rupture avec les FL était leur acceptation du compromis politique (conclu entre le chef de l’État, Michel Aoun, et le Premier ministre, Saad Hariri, autour de la présidentielle) et leur participation au gouvernement. »
Ces propos avaient poussé les FL à répondre à Samy Gemayel, jugeant « honteux que le député du Metn accuse le parti de renoncer à la souveraineté du pays (en acceptant l’accession de Michel Aoun à la tête de l’État) ». « L’opposition des Kataëb n’est pas objective, comme le prétend leur chef, d’autant que l’on sait que si le portefeuille de l’Industrie lui avait été accordé, il aurait personnellement fait partie de l’équipe ministérielle », ont dit les FL dans un communiqué publié jeudi.
Si d’aucuns faisaient état récemment de tentatives de réconciliation entre Saïfi et Meerab, les FL ne manquent pas d’accuser le chef des Kataëb de « faire de la surenchère » envers la formation de Samir Geagea.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Fady Karam, député FL du Koura, estime que « Samy Gemayel opte pour la surenchère parce que les FL font partie du gouvernement et agissent avec sagesse pour éviter une confrontation politique à un moment qui n’est pas propice ». Il s’empresse, toutefois, de nuancer ses propos : « La querelle ne devrait pas avoir lieu entre Meerab et Saïfi. Mais nous rappelons aux Kataëb que lorsqu’ils ont participé à plusieurs cabinets précédents, nous ne les avons pas attaqués comme ils font actuellement à notre encontre. »
Concernant d’éventuels efforts déployés actuellement pour réconcilier les deux alliés traditionnels, Fady Karam se contente de souligner que les rapports bilatéraux devraient être corrigés, notant que jamais les FL n’ont pris l’initiative de s’en prendre aux Kataëb, invitant par la même occasion ceux-ci à abandonner les surenchères, et Samy Gemayel à garder les FL loin de ses critiques à l’encontre du gouvernement.
À l’heure où d’aucuns estiment normal que l’opposition critique les agissements des partis au pouvoir, d’autres soulignent que les FL ont violemment répondu à M. Gemayel, à l’heure où le chef du courant aouniste, Gebran Bassil, s’en est pris avec virulence aux FL lors d’un entretien télévisé, en dépit de l’entente conclue entre les deux partis sous le signe de la réconciliation interchrétienne.
Fady Karam, lui, se contente, à ce sujet d’indiquer que son parti a pris une position ferme quant aux dernières permutations et nominations judiciaires (jugées monochromes).
« Réponse disproportionnée »
À Saïfi, c’est sous un autre angle que l’on perçoit les choses. Pour les proches de Samy Gemayel, la polémique qui ne fait que s’amplifier entre les deux formations longtemps alliées dans le cadre du 14 Mars a pris une dangereuse dimension personnelle contre le député du Metn.
C’est d’ailleurs par cela que Nadim Gemayel, député Kataëb de Beyrouth et perçu comme la jonction entre les partis de MM. Geagea et Gemayel, explique le tout nouveau round de tiraillements. « La réponse des FL est disproportionnée aux déclarations de Samy Gemayel lors de son interview de mercredi soir, d’autant qu’elles étaient politiques et souverainistes », déclare-t-il à L’OLJ, faisant état d’un « problème devenu personnel entre les FL et le chef des Kataëb ». Mais pour lui, « il est crucial de mettre en commun les efforts des forces souverainistes, pour faire face aux tentatives de mener le Liban vers l’axe syro-iranien, sous l’effet du forcing exercé par le Hezbollah et ses alliés pour mener le pays dans ce sens ».
Commentant à son tour la polémique entre les formations de Samy Gemayel et Samir Geagea, Alain Hakim, ancien ministre Kataëb de l’Économie, souligne que « les FL font partie du pouvoir politique actuel ». Il en veut pour preuve, à titre d’exemple, le fait que les FL ne se sont pas opposées aux nouvelles mesures fiscales adoptées par le Parlement pour financer la grille des salaires. « Sinon, elles auraient signé le recours en invalidation que nous avons présenté au Conseil constitutionnel », note-t-il. Contacté par L’OLJ, M. Hakim souligne que « les FL ont modifié leur stratégie politique pour des intérêts politiciens ». Commentant les accusations de manque d’objectivité lancées contre son parti, l’ancien ministre fait valoir que sa formation a intégré des équipes ministérielles « équilibrées, contrairement au cabinet actuel, dont la majorité des membres appartiennent à un camp bien défini (le 8 Mars) ».
Se voulant optimiste, Alain Hakim se félicite de l’existence de personnes de bonne volonté qui tenteront toujours de normaliser les rapports entre les deux partis, invitant par la même occasion les FL à « revenir au camp de l’opposition qui les a distinguées ».