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Com(me)promis ?

L’ÉDITORIAL

 

Et si on parlait faits ?
Hors de tout jugement de valeur, le premier de ceux-ci est le droit le plus strict de Sleiman Frangié de briguer la présidence de la République. Après tout, le député de Zghorta fait bel et bien partie de ce carré d’as qui s’est constitué en un club fermé regroupant les seules personnalités maronites créditées, à des degrés divers, d’une consistante base populaire : laquelle les autorise à se poser en présidentiables forts. Que ce rassemblement ait vu le jour à Bkerké même n’explique que mieux le soutien implicite, et néanmoins très net, qu’a apporté à cette candidature l’Église maronite. Il est clair que celle-ci, affolée par la vacance prolongée de la présidence, n’est que trop heureuse de voir peut-être reprendre vie un palais de Baabda envahi par les toiles d’araignée…
Deuxième fait. Pour fermé qu’il était, le club des Quatre n’a cessé, en revanche, d’être ouvert à tous les vents. Ses membres n’ont jamais fait vœu de se désister en faveur de celui d’entre eux qui aurait le plus de chances de rafler le pot. Un pour tous, tous pour un, telle n’était pas la devise de nos singuliers mousquetaires. Bien au contraire : lls ont beau se concerter épisodiquement, les crocs-en-jambe, coups de poignard dans le dos et autres entourloupes n’ont pas manqué : la plus acrobatique de ces manœuvres étant l’intention prêtée à Samir Geagea d’appuyer la candidature de son ennemi intime Michel Aoun pour faire barrage au sprinter du moment.
Troisième fait. Le compromis national dont il est question aujourd’hui est loin en réalité d’en être un, puisqu’il n’y a là – pour l’heure, en tout cas – qu’une conjonction d’intérêts politiques, pour ne pas dire politiciens. Tant mieux en effet pour Saad Hariri, s’il peut ainsi satisfaire son très légitime souhait de rentrer au pays et de redevenir Premier ministre, sans plus craindre désormais pour sa sécurité personnelle. Mais qui donc lui a concédé une telle assurance-vie, sinon le tueur ? Que valent de telles garanties quand on se souvient que le meurtre politique est devenu pratique courante dans notre pays. Et que plusieurs individus recherchés par la justice internationale dans l’affaire de l’assassinat de son père demeurent sous la protection de la milice ?
Tant mieux, de même, pour Sleiman Frangié, s’il prend en ce moment une bonne longueur d’avance sur ses rivaux. Mais cela ne fait toujours pas de ce membre actif du 8 Mars, par ailleurs ami personnel du sanguinaire dictateur de Syrie, un président de consensus, le président de tous les Libanais.
Quatrième fait. Pour lourdement marqué qu’il soit, le leader de Zghorta a les moyens, s’il le veut, de se muer en authentique présidentiable de compromis. À tout prendre peu importe, pour les citoyens, qu’il réussisse ou non à amadouer son compagnon de tranchée et rival Michel Aoun en lui promettant la lune, en termes de tranches de gâteau étatique. C’est avec la même et morne indifférence que sont observées toutes ces messes basses visant à resserrer les rangs passablement dispersés, au sein des deux grands blocs antagonistes. Ce que le peuple veut savoir, c’est si le Frangié du passé et celui qui s’apprête pour demain sont ou non une seule et même personne. Ce qu’il a le droit de savoir, le peuple, c’est ce que pense désormais le candidat Frangié, le Frangié du prétendu compromis, le Frangié apparemment promis aux plus hautes charges et responsabilités, de tous ces dossiers explosifs qui divisent l’opinion : la guerre du Hezbollah en Syrie, le Hezbollah sur pied de guerre ici, le Tribunal spécial pour le Liban, etc…
C’est de la propre bouche de l’actuel favori, et non plus par ouï-dire ou par les fuites de la presse, que les Libanais attendent des réponses à toutes ces questions. Faute de quoi, le compromis n’aurait été qu’une imposture. Et le quatrième fait de cette liste, rien qu’un bien naïf vœu pieux.