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Conseil des ministres : tout le monde a droit à une seconde chance

 

Fady NOUN

 

Était-ce un coup de semonce? Toujours est-il que, revenant sur une décision de suspension de deux semaines qui a entraîné un blocage total des institutions, et au cours de laquelle tous genres d’analyses constitutionnelles ont été tentés ad nauseam, Tammam Salam, pariant sur un assagissement des ministres, a décidé hier de convoquer de nouveau le Conseil des ministres à se réunir, jeudi. Et certes, tout le monde a droit à une seconde chance, y compris l’homo politicus libanais. Nous saurons donc demain s’il va saisir cette chance, si le sens de l’intérêt national va prévaloir ou si l’atavique individualisme va l’emporter.

 

En tout état de cause, le Premier ministre a publié un communiqué dans lequel il appelle ses collègues, au nom du pacte national, à faire preuve de bon sens et donner la priorité à la bonne marche des institutions, loin des crocs-en-jambe qu’ils passaient leur temps à se faire l’un à l’autre, en lieu et place de leur travail.
Le Premier ministre recevra ce matin le président du parti Kataëb, Amine Gemayel, qui vient expliciter le sens de la démarche adoptée par la rencontre consultative et lui expliquer qu’elle n’est pas dirigée contre sa personne, mais cherche uniquement à défendre les prérogatives du chef de l’État que le Conseil des ministres réuni ne peut pas assumer, ce que M. Salam a sans doute déjà entendu à plusieurs reprises en zappant à la télévision. Il n’empêche, M. Salam pourrait être sensible à cette assurance de bonne foi politique, ce qui l’aidera à prendre son mal en patience. Comme alternative à l’immobilisme, a-t-il d’ailleurs le choix, alors qu’on le flatte de défendre la présidence de la République mieux qu’un chrétien ne pourrait le faire? Ce qui, vu sous un certain angle et crûment dit, n’est pas très difficile. Le chef du gouvernement, dit-on, est favorable à un retour aux règles constitutionnelles prévues par l’article 65, à savoir la recherche du consensus d’abord, et le recours au vote, en dernier recours. Mais on croit savoir, de source proche de M. Salam, qu’il privilégiera le consensus, malgré l’impasse où cette règle a conduit le gouvernement, dans l’état de division actuel du pays… et du gouvernement.
Ceci dit, et en attendant que le dialogue entre Michel Aoun et Samir Geagea fasse une quelconque percée, fût-ce vers une déclaration d’intention (dont la perspective s’éloigne), le dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah, lui, semble avoir, en dépit des apparences, enregistré des progrès. Le communiqué elliptique qui avait suivi le 7e round a pu faire croire que ce dialogue avait épuisé ses possibilités. Mais, selon M. Samir el-Jisr, il n’en est rien, et du nouveau devrait paraître la semaine prochaine, avec un recul supplémentaire de la territorialisation politique de la capitale et de la banlieue sud. Wait and see.
Non loin de là, des sources politiques bien informées ont révélé hier qu’une rencontre de franche explication et de réconciliation a réuni, la semaine dernière, Michel Aoun au commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, à Rabieh. Le général Kahwagi est arrivé à Rabieh en compagnie du général Chamel Roukoz, chef de la brigade des commandos de l’armée et gendre du chef du CPL, qui avait pris l’initiative de ce rapprochement. Les frontières orientales du Liban et les risques d’une percée des jihadistes sur le flanc libanais ont été au centre de la rencontre, sachant que l’efficacité de l’armée n’est plus à prouver aussi bien à Ersal qu’à Ras Baalbeck, Bab el-Tebbané et ailleurs, en attendant de nouvelles livraisons d’armes.
Les incidents de ces deux derniers jours, l’assassinat de Badr Eid, le frère de Ali Eid, et la mort d’un militaire, Mohammad Hussein Chabké, à Tripoli prouvent d’ailleurs qu’à aucun moment la vigilance ne doit se relâcher, et que le pays est largement ouvert à toutes sortes de menées sécuritaires subversives. Ce qui rend d’autant plus éclatant le miracle quotidien de la cohésion de son armée, comme certains l’ont souligné. Non sans le coup de pouce, semble-t-il, des services de renseignements de pays amis.