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Conseil des ministres : un règlement sur les questions de forme, mais pas de fond

Tilda ABOU RIZK

Le Conseil des ministres a redémarré sur de nouvelles bases, jetées par le chef du gouvernement, Tammam Salam, au cours de sa première réunion hier, après une absence qui a duré un peu plus de deux semaines à la suite de divergences au sujet du mécanisme de travail à appliquer.

Des divergences somme toute normales, faute de textes déterminant le mécanisme de prise de décision en l’absence d’un président de la République qui joue, comme on le sait, le rôle de régulateur. Hier, c’est Tammam Salam qui a assumé ce rôle, non seulement en proposant une procédure à suivre pour les réunions du gouvernement – une sorte de gentleman agreement, faute d’un véritable règlement intérieur –, mais en laissant entendre, diplomatiquement, qu’en cas de conflit, il lui appartient de prendre la décision qui s’impose. Pour le Premier ministre, il ne s’agit pas de s’approprier des prérogatives imparties au chef de l’État, loin de là, mais de faire en sorte que l’équipe qu’il dirige préserve sa cohésion en attendant qu’un nouveau président soit élu.

Une tâche qui est loin d’être facile, parce que s’il a pu établir un cadre de travail censé faciliter le fonctionnement de son équipe, il reste que sur le fond, le problème est loin d’être réglé, à partir du moment où un dossier conflictuel est sous examen, fait-on remarquer de source ministérielle. Mais on n’en est pas encore là. Hier, tous les ministres présents ont réagi favorablement au mécanisme proposé par Tammam Salam, dont l’élément principal s’articule autour du concept de l’entente. Celle-ci, a tenu à préciser le chef du gouvernement, ne signifie pas qu’une décision doit être prise à l’unanimité, mais implique une vaste majorité autour de cette décision. En d’autres termes, si deux ou trois ministres expriment des réserves sur une question déterminée, celle-ci pourra quand même être adoptée. Si jamais plusieurs ministres s’y opposent, son examen sera ajourné ou bien une commission ministérielle serait formée pour un complément d’étude. Pratiquement, il s’agit d’un rappel de la procédure normale qui est prévue dans l’article 65 de la Loi fondamentale mais qui s’arrête à ce stade, sans passer à celui du vote que Tammam Salam continue de vouloir éviter en l’absence d’un président.

Le chef du gouvernement, apprend-on également de sources ministérielles, a expliqué sans détour qu’un ministre ne peut pas bloquer des décrets en refusant de les signer, sans pour autant s’étendre longuement sur le sujet. Et pour cause : la Constitution ne prévoit rien au sujet des modalités de signature de décrets en l’absence d’un chef de l’État. Si les décrets ministériels ne posent pas de problèmes, puisque passé un certain délai, ils deviennent exécutoires si jamais le président ne les signe pas, ce n’est pas le cas pour les décrets adoptés en Conseil des ministres qui doivent porter la signature du président de la République. Faut-il que l’ensemble des ministres les signent puisque, conformément à la Constitution, le Conseil des ministres assume les prérogatives du président en cas de vacance à la tête de l’État, ou la moitié suffit-elle ? Personne n’était en mesure de répondre à cette question ou de s’aventurer sur la voie d’une jurisprudence qui risque de s’avérer anticonstitutionnelle.

La vacance présidentielle n’en finit pas ainsi de montrer au quotidien à quel point la présence d’un chef à la tête de l’État est indispensable pour le fonctionnement de celui-ci, en dépit du fait que Taëf lui avait rogné une part importante de ses prérogatives au profit du Conseil des ministres. Plusieurs membres du gouvernement ont d’ailleurs insisté dans leurs interventions respectives sur la nécessité d’accorder la priorité à la présidentielle pour que l’État se remette à fonctionner normalement. Tous ont applaudi à l’initiative Salam. De sources ministérielles, on insiste sur le fait que ce que le chef du gouvernement a proposé ne peut pas être considéré comme le règlement intérieur du Conseil des ministres, mais comme une formule devant faciliter et accélérer le travail de celui-ci. La durée des réunions ne doit pas excéder ainsi les trois heures et les interventions ministérielles doivent se limiter à quelques minutes. Pour l’anecdote, des chronomètres doivent être installés devant chaque ministre.

Par souci de démarrer sur de bonnes bases, le Conseil des ministres s’est attaqué à un ordre du jour ordinaire. Le dossier « problématique » des nominations à la Commission de surveillance des banques a été ajourné à la semaine prochaine, à la demande de Tammam Salam. Probablement pour essayer de trouver une sortie constitutionnelle à ce nouveau blocage : si une nouvelle commission est formée, elle doit en effet prêter serment devant le président pour devenir fonctionnelle. L’absence d’un chef de l’État n’a jamais pesé aussi lourd.