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Damnés soient-ils !

De vociférations en rodomontades, de menaces intempestives en assurances assassines, c’est un spectacle de fin de monde qui est offert aux Libanais depuis de longs mois, un spectacle à guichets fermés où les spectateurs montrent encore plus de zèle que les acteurs dans l’apologie de la bêtise et de l’irresponsabilité.

Lavage systématique de cerveaux ou expression tonitruante de convictions intimes, le résultat est le même : déliquescence morale, paralysie préméditée des institutions et un État de droit dépecé par ceux-là mêmes qui s’en prétendent les farouches défenseurs.

Et pour ne rien arranger, voilà que les terroristes de l’ombre entrent en scène, disparaissent comme ils sont entrés, laissant dans leur sillage plus de questions que de réponses tout en rappelant aux Libanais l’amère réalité de leur assujettissement au chaos régional, de leur implication dans une tragédie sanglante aux effets boomerang garantis.

Damnés soient tous ceux qui nous ont conduits à l’impasse actuelle, au dénuement d’un État réduit à quémander une couverture qui ne lui est jamais consentie. Damnés soient tous ceux qui ont contribué au vide institutionnel, qui ont agi hors et contre la légalité, qui n’envisagent l’avenir qu’à travers l’accomplissement de leurs ambitions personnelles.

Honnis soient tous ceux qui ont décidé de guerres suicidaires, qui ont participé à des crimes contre l’humanité dans des conflits externes, qui s’obstinent dans leur aventurisme et qui pavent la voie aux représailles terroristes, aux haines confessionnelles.

Voués aux gémonies soient tous ceux qui ont trompé les Libanais d’en bas, qui ont recouru à un populisme détestable et promis des lendemains de rêve, alors même que s’ouvraient les antichambres de l’enfer ; voués à l’opprobre général soient tous ceux qui ont exploité la tension sociale, pris le risque d’entraîner le pays vers la faillite sans attendre que les écuries d’Augias, celles d’une administration pourrie et corrompue, soient nettoyées.

Mais à quoi servent les imprécations, pourrait-on rétorquer, à quoi peuvent bien mener les coups de colère quand la volonté nationale est hypothéquée, quand chaque jour qui passe donne la preuve de l’incapacité de l’État à s’imposer face aux requins de la politique, aux assassins de la sécurité sociale, aux bandes armées qui se réfèrent toutes à un même Allah pour mieux se trucider et accomplir la « volonté divine »…

À tous ceux qui se sont fait une raison, qui ont été gagnés par la lassitude ou qui ont composé avec les faits accomplis, il est important de rappeler que hors de l’État de droit il n’y a point de salut et que sans l’élection au plus vite d’un nouveau président, incarnation de ce même État de droit, c’est la voie ouverte à la désintégration totale, à l’inscription du Liban au registre des pays faillis…

Et ce n’est pas en clamant tous les jours « c’est moi ou c’est personne » que les aspirants à la charge suprême réussiront à sauver la République. Cela rappelle étrangement les propos d’un certain Richard Murphy en 1988 sommant les Libanais de choisir entre « Mikhaël Daher ou le chaos ».

On n’est pas prêt d’oublier ce qui s’ensuivit…

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P.-S. – D’une certaine manière la fête de la Musique célébrée samedi soir au cœur de Beyrouth, au lendemain d’une journée de « fantasme apocalyptique », s’est voulu un pied de nez aux vautours de l’apocalypse, aux fossoyeurs de l’unicité libanaise. Une lueur d’espérance dans un tunnel mortifère : les derniers des Mohicans n’ont pas baissé les bras…