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Dangers sécuritaires et risques financiers pèsent lourdement sur la conjoncture politique

 

 

LA SITUATION

Fady NOUN 

Les risques sécuritaires et, surtout, financiers qui pèsent actuellement sur le Liban devraient infléchir le cours de l’actualité politique dans les prochaines semaines, si tant est que la voix de la raison parvient à se faire entendre, et si l’on sait prendre ses distances à l’égard d’une politique du refus certes intransigeante sur les principes, mais finalement peu créative.

L’attentat-règlement de comptes de jeudi contre des ulémas syriens proches d’al-Nosra régentant le camp de réfugiés syriens d’Ersal, suivi, hier, d’unattentat contre un véhicule de l’armée constituent-ils le début d’une série d’actes militaires qui occuperaient à nouveau le devant de la scène ?
La tournée d’inspection effectuée par Jean Kahwagi à l’Aéroport international Rafic Hariri et les nouvelles assurances d’appui militaire américain à l’armée sont-elles de pures coïncidences ? On peut le penser, mais une lecture plus attentive des événements laisse craindre que des forces tentent à nouveau de lier l’îlot de sécurité dans lequel vit depuis quelques mois le Liban aux foyers de guerre régionaux.

On ne peut s’empêcher non plus de faire le rapport entre la tournée du général Jean Kahwagi à l’aéroport et l’effroyable attentat contre l’Airbus russe qui s’est écrasé dans le Sinaï, samedi dernier.
Le noyautage des services douaniers égyptiens par un militant de l’EI, qui aurait glissé une bombe dans la soute à bagages, n’étant plus exclu par les enquêteurs, on peut à bon droit supposer qu’un incident similaire puisse se produire ailleurs et qu’il est bon de l’anticiper, pour le prévenir.
De source militaire, on se veut quand même rassurant. On affirme en particulier que l’armée tient fermement le front de 80 kilomètres séparant Ersal de Ras Baalbeck, sur une profondeur de quelque 20 à 25 kilomètres, et que des incidents sont tout ce qu’il y a de plus prévisible et normal.

L’impasse politique
Le fait que l’on s’inquiète, malgré ces assurances, du premier incident venu est dû à l’impasse politique qui s’éternise et fait craindre le pire. Une impasse que la session législative des 12 et 13 novembre ne fera, d’une certaine façon, que confirmer, puisqu’elle se tiendrait, si rien ne survient d’ici là, en l’absence des trois partis et courants les plus représentatifs de l’électorat chrétien, le Courant patriotique libre, les Kataëb et les Forces libanaises.
Hier, toutefois, le CPL continuait de souffler le chaud et le froid, pariant semble-t-il sur un changement de sentiment de Nabih Berry, qui lui ferait inscrire la question de la loi électorale en tête de l’ordre du jour des séances prévues. Cependant, et jusqu’à nouvel ordre, on assurait dans les milieux concernés que les trois formations ne répondront pas présent à l’appel, jeudi prochain.

De source informée, on apprenait en outre que la question a été soulevée par le patriarche maronite, le cardinal Raï, avec le chef du courant du Futur, Saad Hariri, dans un appel téléphonique inopiné que ce dernier aurait effectué hier matin. Que se sont dit les deux hommes ? On ne peut que le deviner. On sait toutefois que le Futur n’est pas insensible, comme M. Berry, au fait que le vote de la Chambre ne se fera qu’avec 23 députés chrétiens sur 64 moins 1, Michel Hélou, décédé, soit 12 députés relevant du courant du Futur, 4 des Marada, 5 indépendants et 2 prosyriens.

Note écrite de Riad Salamé
Pourquoi, dans ce cas, M. Berry fait-il preuve d’autant de détermination ? De source bien informée citée par l’agence al-Markaziya, c’est une note écrite du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, dans laquelle il évoquait les risques d’un recul de la notation du Liban auprès des agences internationales s’il n’honore pas certains engagements financiers internationaux à leur échéance, qui a décidé le président de la Chambre à aller de l’avant.

Ces indications ont été reprises par le président de l’Association des banques, Joseph Torbey, avec le patriarche maronite, qui l’a reçu hier matin. « Ces échéances doivent être honorées avant la fin de l’année, a précisé M. Torbey à l’intention de la presse, à l’issue de son entretien. Y manquer pourrait conduire à l’inscription du Liban sur la liste des États qui ne coopèrent pas à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. À son tour, cette inscription conduirait à la suspension des virements de et vers le Liban et étranglerait la vie économique et sociale des Libanais. »
« Face à ce type de danger, a ajouté M. Torbey, les divisions politiques doivent s’effacer. Autrement, elles conduiront à un suicide financier foudroyant. C’est pourquoi nous espérons de la part de toutes les instances politiques qui ont annoncé qu’elles boycotteront la séance législative jeudi prochain de revoir leur décision et d’y participer, contribuant ainsi au sauvetage demandé. »
M. Torbey a annoncé par ailleurs qu’il rendra visite, avec les membres du conseil d’administration de l’Association des banques, aux principales personnalités concernées, « pour expliciter le danger encouru que nul ne saurait raisonnablement ignorer ».
Dans une déclaration hier, le président des organismes économiques, Adnane Kassar, a abondé dans le sens de M. Torbey, affirmant que « le secteur privé ne saurait accepter d’aucune manière que la situation actuelle se prolonge ».