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De cause à effet L’édito

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« Il n’est jamais trop tard… » dit le dicton populaire. Certes… Mais dans le cas spécifique de la Syrie, le mal est déjà fait. Le président Barack Obama n’a pas exclu avoir peut-être commis une grave erreur d’appréciation concernant la guerre syrienne. Un aveu qui laisse perplexe lorsqu’il provient du président de la plus grande puissance mondiale qui assume jusqu’à présent la lourde tâche de gendarme du monde. Les retombées des choix faits par le chef de la Maison-Blanche au niveau du dossier syrien étaient évidentes pour qui connaît bien les réalités de la région et, surtout, la nature du régime Assad.
Nous avions relevé à plusieurs reprises dans ces mêmes colonnes que la passivité de l’actuelle administration US à l’égard des massacres perpétrés par le pouvoir en place à Damas contre son propre peuple, notamment lors de l’utilisation des armes chimiques en 2013, équivalait pratiquement à rien moins qu’un blanc-seing accordé à Bachar el-Assad. Cette carte blanche ne pouvait avoir pour conséquence inéluctable qu’une radicalisation croissante, à un rythme exponentiel, des combattants sunnites et une montée en puissance des courants jihadistes. Comment pouvait-il en être autrement lorsque l’inertie américaine s’accompagnait d’un veto à la livraison d’armes défensives efficaces (plus précisément des systèmes antiaériens) à l’opposition modérée, alors que parallèlement les forces pro-Assad bénéficiaient d’un afflux ininterrompu d’armes et de munitions, en sus de l’appui massif de l’aviation russe. De quoi radicaliser les plus pondérés des miliciens…
La politique du laisser-faire optée par le président Obama aurait pu être concevable si ses effets restaient limités à la seule scène syrienne, ou même régionale. Mais il était illusoire, voire naïf, et en tout cas irresponsable, de penser que le renforcement des organisations jihadistes ne provoquerait pas, tôt ou tard, des débordements au cœur même des villes européennes et américaines. Quant à l’argument portant sur l’absence d’alternative politique au régime Assad, il cache mal de sombres desseins inavouables. Nul n’ignore en effet que la société syrienne compte une élite éclairée capable, si elle bénéficie de l’appui nécessaire, de prendre la relève. Par sa politique attentiste, le président Obama a laminé cette élite modérée et a, du même coup, boosté par ricochet une dictature sanguinaire qui foule au pied depuis près de cinq décennies les valeurs présentées par l’Occident comme un modèle de bonne gouvernance.
Pire encore : la ligne de conduite du chef de la Maison-Blanche face au drame syrien a eu aussi pour autre conséquence de donner libre cours au rouleau compresseur russe enclenché par Vladimir Poutine. Formé à l’école du KGB soviétique, le maître du Kremlin a montré à maintes reprises qu’il n’a absolument aucun état d’âme et que, dans la pure lignée de la funeste ère stalinienne, il n’hésite nullement à écraser des villes entières sous les bombes de son aviation. Il l’a fait sans sourciller à Grozny, il le réitère aujourd’hui à Alep. La chaîne française France 2 a diffusé dimanche soir un reportage montrant que les appareils militaires russes larguaient aveuglément des bombes au phosphore sur les quartiers d’Alep.
Le gouvernement français a accusé indirectement, par la bouche de son représentant à l’Onu, la Russie de complicité de crimes de guerre en Syrie, faisant preuve, une fois de plus, de cohérence dans sa politique à l’égard des dossiers du Proche-Orient. Le délégué britannique a été tout aussi explicite. L’ambassadrice US a lancé pour sa part sans ambages que « ce que la Russie fait à Alep ce n’est pas de la lutte antiterroriste, mais de la barbarie ». Force est de relever que si le président Poutine se permet de se livrer à une telle barbarie, et si le régime Assad continue de faire preuve d’une même sauvagerie en massacrant de la sorte son propre peuple, c’est en raison de la politique du laisser-faire de l’actuelle administration US.
Une source diplomatique française soulignait il n’y a pas longtemps que si Washington avait montré plus de fermeté en 2013 à l’égard de Bachar el-Assad, le président Poutine n’aurait peut-être pas agi comme il l’a fait en Ukraine. Serait-il trop tard pour arrêter le déchaînement démentiel ? Peut-être pas. Si la volonté y est, l’équipe Obama a sans nul doute les moyens de stopper la machine infernale. Si elle se contente, par contre, de beaux discours pour condamner, sans passer aux actes, la sauvagerie aveugle qui détruit Alep, les futurs dirigeants US auront alors bien du mal à donner aux autres peuples des leçons en matière de respect des droits de l’homme et de la dignité humaine.