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Démission de Hariri : le sursis va-t-il s’éterniser ?

Fady NOUN |

Dans quel sens le sursis accordé au gouvernement par le Premier ministre Hariri, à la demande du chef de l’État, va-t-il évoluer ? Ce sursis va-t-il se transformer en attentisme ? La question est sur toutes les lèvres, et l’impatience grandit.
Dans les hautes sphères de l’État, on assure que l’attente, quoique indéfinie, ne s’éternisera pas et qu’un Conseil des ministres ne devrait pas tarder à se tenir. Ces milieux jugent difficile, mais pas impossible, qu’il se tienne la semaine prochaine, et le situent plus volontiers dans les deux semaines qui viennent.
En tout état de cause, le Premier ministre, recevant jeudi soir les muftis du Liban, a affirmé au mufti de Tripoli Malek Chaar que « la décision de surseoir à la démission est limitée dans le temps ». Ces propos ne signifient pas, toutefois, que la démission aura lieu, mais que la période d’incertitude ne saurait durer, et qu’une décision sera prise dans les semaines qui viennent.
À quoi tient cette décision ? Aux concertations en cours, loin des regards, entre les diverses forces politiques présentes, et dont on ne peut que deviner qu’elles engagent les principaux acteurs politiques. Certes, le chef de l’État s’est dit hostile à une conférence de dialogue classique, qui engagerait toutes les forces politiques. C’est une structure trop lourde pour la crise actuelle, pense-t-il. Il lui préfère les concertations bilatérales et multilatérales avec les principales forces concernées, à savoir le Hezbollah et le courant du Futur, puisque c’est leur opposition qui a provoqué la cristallisation de la crise interne.
Peut-on définir une politique de « distanciation » acceptable de tous, un « juste milieu » tel que le souhaite le président de la Chambre ? Ce n’est pas impossible, encore que des accidents de parcours peuvent être quotidiens. Ainsi en est-il de la déclaration du chef des pasdaran iraniens selon laquelle « les armes du Hezbollah ne sont pas négociables ». Une déclaration qui laisse croire que le véritable patron du Hezbollah, ce n’est pas Hassan Nasrallah, mais lui.
Curieusement, presque au même moment, c’est une ingérence de l’autre camp que le Liban doit encaisser, sous la forme d’une déclaration du prince héritier saoudien, Mohammad ben Salman, affirmant au New York Times que « Saad Hariri (…) ne va plus continuer à accorder une couverture politique à un gouvernement essentiellement contrôlé par le Hezbollah, qui à son tour est contrôlé par l’Iran ». Encore une fois, peut-on se demander, est-ce au prince héritier saoudien d’en juger, ou au Premier ministre libanais ?
Autre pierre d’achoppement, la remise au président Bachar el-Assad de ses lettres de créance par le nouvel ambassadeur libanais en Syrie, Saad Zakhia. Cette démarche, entourée de discrétion à Beyrouth, a soulevé les protestations de ceux qui souhaitaient voir le diplomate résider à Beyrouth, et non à Damas. En face, on brandit le principe de la réciprocité pour justifier la nomination de M. Zakhia, et l’on rappelle qu’un ambassadeur de Syrie est toujours en poste à Beyrouth. On rappelle aussi que le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, estime que la lutte pour l’instauration des relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie a été suffisamment âpre pour qu’on ne la brade pas aujourd’hui. De la sorte, ajoutent des sources bien informées, les intérêts des Libanais en Syrie seront surveillés de Damas même, par M. Zakhia, qui relèvera enfin de ses fonctions la chargée d’affaires Faraj Berry, qui assurait un intérim après le départ à la retraite du précédent ambassadeur du Liban, Michel Khoury.
Aux impatients, du reste, quelques signaux ont été envoyés hier laissant espérer que les choses rentrent dans l’ordre. Ainsi, la signature par le président des décrets de nominations d’une trentaine d’attachés diplomatiques ; ainsi la circulaire de Saad Hariri recommandant la rationalisation de l’utilisation du courant électrique dans les administrations et la surveillance de l’éclairage public, et annonçant le congé du Maouled, jeudi prochain.
De toute évidence, ni le chef de l’État ni le Premier ministre ne veulent avoir les mains liées par une date fixe pour la relance des institutions. À cette relance, le président de la République substitue pour le moment l’accueil des organismes constitués, et hier du gouverneur de la Banque du Liban, pour rassurer ceux qui s’inquiètent des répercussions de la crise, notamment sur la monnaie nationale. Entre-temps, les appuis de l’Europe et des États-Unis au Premier ministre, ainsi que ceux de la Russie et de l’Égypte, touchée au cœur par un effroyable massacre, continuent d’abonder. Le dernier en date est venu hier du général H.R. McMaster, conseiller à la Sécurité nationale du président américain Donald Trump, qui a apporté dans un appel téléphonique « son attachement à la stabilité du Liban et son appui à ses institutions légitimes ».