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Il y a là une énergie fabuleuse : cet amical salut à la vitalité et au dynamisme des Libanais, c’est Jack Lang, venu pour le lancement de la fête de la Musique, qui l’adressait hier dans nos colonnes. Aussi l’ancien ministre français de la Culture et actuel président de l’Institut du monde arabe a-t-il appelé les autorités à encourager, dans le cadre d’un engagement de chaque instant, le formidable bouillonnement artistique et culturel qui existe dans notre pays. Et dans lequel il voit un levier du développement économique et de la paix.
Mais par quelle malédiction l’énergie est-elle donc encline, dans les cercles dirigeants, à se muer en frénésie stérile, et même destructrice ? Et pourquoi, au contraire, un peuple aussi remuant tombe-t-il en léthargie dès lors qu’il s’agit de donner de la voix, de se rebeller contre l’intolérable, de se débarrasser de ses vieux réflexes sectaires, claniques ou autres, de pousser au changement et au renouveau ? Pourquoi les rares sursauts de la société civile sont-ils aisément, si impunément, dénaturés par les casseurs ou si facilement récupérés par la faune politique ?
L’espace manque ici pour énumérer tous les joujoux démocratiques que nous enviaient nos voisins et que les responsables se sont évertués à casser, l’un après l’autre. On a vu apparaître, dans un premier temps, cette fantasmagorique minorité de blocage acharnée à paralyser l’action du gouvernement ; si dénaturé est aujourd’hui le système que non moins de trois démissions de ministres ne changent rien, absolument rien, à l’inaction congénitale de l’organe exécutif. Depuis plus de deux ans, le Liban est privé de président de la République, par suite du boycottage systématique des séances parlementaires. L’Assemblée elle-même est fortement entachée d’irrégularité, s’étant en effet reconduite par deux fois déjà, sans même être fichue d’accoucher d’une nouvelle loi électorale. Comment le pourrait-elle, au fond, si les tireurs de ficelles eux-mêmes, siégeant comme hier autour de la table du dialogue national, sont incapables de s’entendre ?
Le pire est qu’à leur tour, maints de ces parrains locaux professent fidélité, vassalité, allégeance à ces suprêmes tireurs de ficelles que sont les puissances régionales en âpre compétition pour le contrôle du Proche et du Moyen-Orient. C’est sur injonction de l’Iran, lequel traîne un lourd passé de soutien au terrorisme – et sous prétexte de faire barrage au terrorisme – que les uns s’en vont guerroyer – aux côtés de la sanguinaire tyrannie syrienne –, plongeant le pays tout entier dans la plus totale incertitude. Et c’est sur un royaume au système et à l’idéologie aussi différents de la nature libanaise, l’Arabie saoudite, que s’appuient, parallèlement, les autres.
Il n’y a pas d’énergie sans inévitable déperdition d’énergie : ce gaspillage étant la perte de chaleur vers l’extérieur on a bien lu que peut subir un bâtiment. L’extérieur, on a bien lu. Et la règle ne vaut pas seulement en matière de thermodynamique.