IMLebanon

Des questions, beaucoup de questions, en attendant Hassan Nasrallah…

 

Philippe Abi-Akl

 

La question, tout le monde, ou presque, se la pose, ici et ailleurs : que va dire le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, vendredi prochain, lorsqu’il évoquera le raid israélien contre Kuneitra, en Syrie, et la mort de six membres de son parti ? Cette question a des corollaires : Quand le Hezb va-t-il répliquer ? Comment ? Où ? Et est-ce que Hassan Nasrallah rendra publics les résultats de l’enquête entamée par le parti, visant à savoir comment cette agression a pu avoir lieu, comment les Israéliens ont su qu’une délégation irano-hezbollahie se trouvait à cet endroit et à ce moment ?
Dans les milieux politiques du 8 Mars, on s’attend à ce que Hassan Nasrallah prenne des positions assez notables, très claires de par les messages qu’elles laisseraient entendre et par le ton, haut et ferme. On s’attend à ce qu’il insiste sur le fait que le conflit est ouvert avec les sionistes, que la résistance répondra à toute agression israélienne et que ce n’est pas parce que le parti chiite combat en Syrie qu’il va oublier pour autant son devoir de… résistant. Le patron du Hezb s’emploiera aussi, naturellement, à faire remarquer que l’agression israélienne a démasqué l’État hébreu, qui se tient clairement aux côtés de l’opposition syrienne, contre le président Bachar el-Assad, et qui coopère et coordonne avec les groupuscules jihadistes takfiristes. Surtout que l’attaque israélienne s’est doublée d’une autre, menée cette fois par Daech et le Front al-Nosra, contre l’armée libanaise dans les jurds de Baalbeck.
Les observateurs rapportent volontiers que la réplique à venir du Hezbollah inquiète l’Occident, qui est sûr que cela se fera, et embarrasse grandement Israël, qui vit dans l’obsession d’une réplique hezbollahie, d’autant que l’Iran s’est déchargé de cela et qu’il a mandaté, pour la vengeance, le Hezb. Voilà pourquoi la presse israélienne est convaincue que la réponse à l’attaque de Kuneitra est incontournable. Certains médias n’hésitent pas à faire assumer au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu la responsabilité de cette agression, qu’ils placent volontiers dans le cadre de la campagne législative qu’il mène tambour battant. Ces médias sont convaincus que M. Netanyahu fait tout pour entraîner l’Iran et le Hezb dans la guerre, persuadé que cela contribuera fortement à sa réélection. Il a d’ailleurs prévenu Washington qu’en cas de réplique, il répondra très durement contre le Liban et la Syrie, malgré le fait qu’Israël ait publiquement annoncé qu’il ne souhaitait pas l’escalade ou la rupture de la trêve le long de la ligne bleue.
En attendant, une autre question s’impose : Pourquoi Kuneitra ? Pourquoi ce timing ? Que faisaient là-bas, ensemble, des responsables du Hezb et des gardiens de la révolution iraniens ? D’aucuns évoquent l’installation, par le tandem, de rampes de missiles : Téhéran estimerait qu’une confrontation de Bachar el-Assad avec Israël redonnerait beaucoup de poids au président syrien, en même temps que cela permettrait au Hezb de récupérer son rôle résistant et à l’Iran d’imposer sa présence aux frontières de l’État hébreu en dynamitant la trêve autour du Golan, qui a tout de même 41 ans… À ce sujet, des sources occidentales rappellent que le haut gradé iranien, Mohammad Ali Allahdadi, est un expert connu et reconnu en missiles : il a déjà installé plusieurs rampes en Syrie et dans plusieurs régions différentes.
Quoi qu’il en soit, l’Iran, le Hezbollah et la Syrie continuent d’essayer de profiter de toute cette agitation internationale orchestrée par Moscou (et avant la Russie par l’Onu et l’Égypte) afin d’aboutir à une sortie de crise, de profiter aussi du fait que certaines capitales ne s’opposent pas à ce que les Assad continuent de régner sur base d’une formule qui adjoindrait au président syrien un gouvernement de transition dont les prérogatives, à l’exception de la sécurité, seraient présidentielles. L’Iran, contrairement à l’Arabie saoudite bien sûr, tient particulièrement à ce que M. Assad reste en poste, et ne veut en aucun cas le perdre, et avec lui la Syrie, comme il a perdu Nouri al-Maliki, et avec lui l’Irak. Téhéran s’accroche donc autant qu’il peut à des jokers régionaux, à commencer par la présidentielle au Liban, pour inverser les tendances et imposer son influence.
Voilà, grâce à toutes ces raisons, comment et pourquoi on peut comprendre la présence d’un haut gradé iranien à Kuneitra, aux côtés de cadres du Hezbollah, explique un diplomate occidental. Mais ce qui restera très frappant, au lendemain de cette attaque, c’est la réaction du président iranien Hassan Rohani, qui a salué les progrès enregistrés dans les négociations autour du nucléaire iranien ; une position qui reflète les divergences à Téhéran entre M. Rohani le réformiste, le modéré, déterminé à ouvrir son pays vers l’extérieur, surtout vers Riyad, et les conservateurs, extrémistes, braqués sur le concept de la résistance et de la moumana3a.
Les cadres du parti chiite le font comprendre plus ou moins publiquement : le Hezbollah ne répliquera pas à partir du Liban. Surtout que l’ambassadeur US David Hale a transmis aux autorités libanaises un message on ne peut plus clair de la part d’Israël : « Faites attention, nous répondrons à n’importe quelle attaque. »