L’ÉDITO
| OLJ
Plus fort qu’Angelina Jolie ? Peut-être. Sauf que les réseaux sociaux et les cafés du commerce ne bruissaient, ces derniers jours, que d’une seule question : qu’est-ce qu’il est venu faire au Liban, exactement, François Hollande ? Une séance thérapeutique de groupe, choc et expresse, avec ces Libanais qu’une armée mixte de Freud(s) et de Lacan(s) survitaminés n’arriverait pas à comprendre ? Vingt-quatre heures de maternage intensif, pour rappeler à tous ceux tentés de l’oublier que maman France sera toujours là quand son fils chéri a mal, ou qu’il a multiplié les bêtises ? Une nouvelle pierre dans la construction Hollande, obligé de blinder, de sanctuariser même, son bilan de politique étrangère à l’heure où son impopularité dans son pays n’en peut plus d’afficher des chiffres himalayens ? À quoi a réellement servi cette visite présidentielle, toujours bienvenue, même si pas très bien organisée ?
Le problème avec François Hollande, c’est qu’il sait ce qu’il doit faire ; qu’il est pétri de propositions et de volonté(s), bonnes toutes deux, mais qu’il ne peut tout simplement pas. Le locataire de l’Élysée croit visiblement très fort dans les vertus de la parole. En réalité, il a dit aux Libanais juste ce qu’ils avaient envie d’entendre. Que la seule solution pour en finir enfin avec cette sinistre vacance présidentielle est que les députés prennent leur destin en main, qu’ils fassent ce pour quoi ils sont (grassement) payés. Que ce que demandent les réfugiés syriens, ce n’est pas un aller simple vers l’Europe, mais un retour aussi rapide que possible chez eux, en Syrie. Que les Libanais sont d’une solidarité exemplaire avec ce million et demi d’âmes qu’il faut faire vivre, nourrir, soigner, envoyer dans les écoles et écarter des trottoirs de la mendicité et de la prostitution. Que Paris va tout faire pour renforcer la capacité militaire de l’armée libanaise. Que si les chrétiens quittaient le Moyen-Orient, c’est tout l’ADN de la région qui s’en retrouverait modifié et dénaturé.
Toutes ces déclarations honnêtes et propres, les Libanais les ont écoutées et entendues, et gentiment applaudies, synchrones à la note près avec leurs exigences. Sauf que les Libanais en sont à un tel point qu’ils les vomissent, désormais, les mots, les promesses ; à un tel point que si le concret ne suit pas presque immédiatement les beaux mots, si le verbe ne se fait pas chair, ils se retournent dans l’instant, en haussant les épaules et en ricanant. Comme les Français, d’ailleurs.
Bien sûr, il y a cet engagement pour 100 millions d’euros d’aide pour les réfugiés dans les trois prochaines années, mais M. Hollande sait bien que le conflit syrien peut encore durer 20 ans ; il sait bien que c’est le Hezbollah, dont il n’a pas reçu les députés durant son escale beyrouthine, et ses alliés qui bloquent, sur objurgation iranienne, l’élection présidentielle ; il sait bien que si les hommes de Jean Kahwagi veulent espérer un matériel digne de ce nom, ne serait-ce qu’un minimum, c’est tout le conflit irano-saoudien que la France devra régler. Il sait bien, aussi, que personne n’est dupe, mais que ces vingt-quatre heures au pas de charge devaient être faites, au nom de l’histoire, de la filiation, des coutumes, du folklore même, qui lient la France au Liban. Il sait surtout, enfin, de quoi il parle, François Hollande, pour le vivre au quotidien dans son pays, souvent à ses dépens, quand il conseille aux Libanais de ne pas faire confiance au temps, que ce temps est cruel, qu’il ne peut pas régler les problèmes à la place des hommes et des femmes.
Une visite pour rien ? Non. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. François Hollande a fait ce qu’il avait à faire, dans une jolie tradition chiraquienne. D’autant qu’une fois rentré à Paris après le capharnaüm libanais et la plaisanterie Sissi-Osiris, les problèmes de la France risquent de lui apparaître un tantinet plus faciles, plus roses. Et puis en juin, il y a l’Euro 2016. Sur le sol français. On ne sait jamais, si les Bleus gagnent…