Bien dit, Hassan Nasrallah, qui dans sa dernière apparition télévisée, mettait en garde contre cette menace proprement existentielle qu’est, pour le Liban, le phénomène Daech. Et d’expliquer ce que tout un chacun sait, à savoir que cette organisation s’est vouée à la destruction des États de la région, cherchant ainsi à imposer, par la force, un certain mode de vie…
Bien dit à son tour, Gebran Bassil, qui parti réconforter les chaldéens et assyriens d’Irak réfugiés en masse au Kurdistan, s’alarmait il y a quelques jours de l’érosion rapide de la présence chrétienne dans cette partie du monde. Abordant le cas spécifique du Liban, le ministre des AE s’est plaint de la mentalité milicienne, de l’esprit de conquête et d’hégémonie qui régissent la vie politique dans notre pays, tout cela au détriment de l’État.
Oui ils ont parlé d’or, ces deux personnages. Mais ce n’était là que du plaqué or, de la ferblanterie sous une bien mince couche de métal jaune. La ferblanterie, c’est tout ce qu’ils n’ont pas dit, et qu’on ne manquera pas de dire à leur place. Car Daech n’est certes pas seul, dans ce pays à l’extraordinaire diversité culturelle, à s’approprier la caution d’un Dieu qui est pourtant celui de tous. Si Daech se réclame d’un obscur prétendant au califat, c’est à toute une théocratie étrangère que fait obédience le Hezbollah. Qui, pour reprendre les propres termes de son chef, cherche lui aussi, et cela depuis des années, à s’imposer par la force des armes.
Quant au ministre Bassil, qui déplore l’esprit milicien gangrenant l’État, il est mieux placé que quiconque pour savoir que la seule et unique milice subsistant sur l’échiquier libanais – la seule en mesure, donc, de se livrer à un comportement milicien – est précisément celle que sa propre formation politique, le Courant patriotique libre, a choisie pour allié privilégié. Pour ce qui est de ses angoisses communautaires, le ministre devrait tout de même se rendre compte, de même, que ce n’est pas en bloquant indéfiniment l’élection présidentielle que l’on conforte le rôle et l’influence des chrétiens ; c’est au contraire en s’activant pour rechercher le consensus qui permettrait enfin de pourvoir au poste que le pacte national a dévolu aux maronites. Moi ou personne disiez-vous, général Aoun ? Eh bien c’est personne, depuis bientôt trois mois, et tous les désespoirs restent naturellement permis…
La cerise sur l’indigeste gâteau, c’est cette proposition de loi tout juste avancée par le CPL, visant à l’élection du chef de l’État au suffrage universel et qui a secoué quelque peu le cocotier présidentiel. Pour extravagante qu’elle soit, l’initiative dénote, il faut bien en convenir, une belle assurance de la part de son auteur. Mais celui-ci a-t-il bien pensé aux pièges inextricables qu’elle pourrait receler ? Que se passerait-il ainsi, par exemple, si par l’effet d’une consigne non prévue au programme, un déluge de bulletins se portait sur une personnalité non chrétienne ? Qui donc arbitrerait un tel conflit entre légalité constitutionnelle et substantielle légitimité populaire ?
Par les temps qui courent, c’est décidément le toc qui se vend bien.