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D’un scandale à l’autre, le gouvernement s’enlise dans les affaires

 

Jeanine JALKH

Un nouveau scandale financier a fait surface ces derniers jours, celui du contrôle mécanique des véhicules, un dossier qui témoigne une fois de plus de la culture de l’affairisme qui prévaut au sein du gouvernement. À la paralysie et l’inefficacité au plan politique, l’exécutif oppose depuis plusieurs mois une hyperactivité dans le monde des affaires qui profite à une oligarchie désormais connue et opérant avec la bénédiction « du pouvoir des affaires et des passe-droits », pour reprendre les propres termes du Premier ministre, Tammam Salam.

Confié à une joint-venture (SGS-Autospect-Securitest-Autosécurité France), le contrat profiterait également à la société Inkript du groupe libanais Resource Group Holding (RGH) appartenant à l’homme d’affaires Hicham Itani, « proche du ministre Nouhad Machnouk et du chef du courant du Futur, Saad Hariri », selon la LBCI. Une source qui suit de près ce dossier a confié à L’Orient-Le Jour que le partenaire libanais, « Securitest, appartenant à Joe Assayli, sert en réalité de paravent à la société Inkript dont l’avocat, Nabil Mouawad, est également chargé du consortium qui a raflé l’appel d’offres ». Une autre source autorisée a indiqué pour sa part « avoir entendu cette information de la bouche des concurrents » mais soutient « n’avoir pas de preuve à ce propos ».

Toujours est-il que, dans les déroulés de l’affaire, il apparaît clairement que le contrat du contrôle mécanique ne semble pas avoir dérogé aux méthodes frauduleuses utilisées dans les autres affaires à scandales.

M. Itani (que la même LBCI a qualifié dimanche dernier de « nouveau Jihad el-Arab », l’homme qui a remporté le contrat de la décharge de Costa Brava mais aussi du contrat de sécurité de l’enceinte de l’aéroport) ferait donc partie, indirectement, de la joint-venture qui a remporté l’appel d’offres du contrôle mécanique. « Il s’agit d’un contrat qui est entaché de nombreuses irrégularités », dénoncent les sociétés lésées, quatre au total.

La société Inkript, « un nouveau dinosaure des finances », comme la qualifie une source proche du dossier, viendrait ainsi ajouter ce « succès » à un autre. C’est elle qui a également remporté le contrat des passeports biométriques, d’une valeur de 140 millions de dollars, « conclu dans des conditions tout aussi nébuleuses », assure la source qui suit le dossier.
Pour Walid Sleiman, directeur de la société Val chargée depuis 2002 du contrôle mécanique, « la manière dont SGS a gagné l’appel d’offres, estimé à plus de 440 millions de dollars sur 10 ans, est pour le moins détournée ». Ce coût serait d’ailleurs appelé à s’élever au fur et à mesure que le nombre des véhicules augmenterait.

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« Véritable falsification »

Dans un entretien à L’Orient-Le Jour, M. Sleiman dénonce « l’irrégularité du marché et la manière dont les sociétés concurrentes (notamment Opus, Danach-Veritas, Doumit et Val) ont été écartées lors du contrôle effectué par un comité d’experts relevant de la direction des adjudications. Le Conseil des ministres a injecté, au sein de ce comité, plusieurs membres de la direction du trafic routier », atteste l’homme d’affaires lésé. La décision du gouvernement d’imposer ces « nouveaux experts est, pour le moins, arbitraire par excellence », dit-il.

Walid Sleiman reproche par ailleurs au comité d’avoir écarté les sociétés concurrentes « simplement sur la base du contrôle administratif et non technique, encore moins sur la base du coût compétitif, les plis n’ayant pas été ouverts », précise-t-il.

Interrogé samedi soir par la LBCI, le directeur des adjudications, le juge Jean Allié, un grand commis de l’État réputé pour sa probité, a indiqué « avoir appliqué à la lettre la décision 83/2015 prise en Conseil des ministres et la procédure en vigueur ».

Une source judiciaire proche du dossier a indiqué à L’OLJ que « l’irrégularité ne se situe pas au niveau de la direction des adjudications qui n’a fait que suivre les règles en vigueur. Ce sont ceux qui ont pris, en aval, des décisions erronées sur ce dossier qui doivent en assumer la responsabilité », lance la source, en allusion à la décision politique à l’origine de la malversation. La source dénonce également le fait que la société Val, qui « a réussi, en 2012, à faire renouveler son contrat de dix ans une seconde fois, a usé elle aussi de pressions politiques à cette fin, enfreignant à son tour les règles et la loi en vigueur. Cette société n’est pas mieux placée aujourd’hui pour critiquer les irrégularités », persifle-t-on de même source.

Selon les informations diffusées par la LBCI, le coût du projet avancé par SGS est « deux fois plus élevé » que le coût proposé par les sociétés concurrentes, une différence que « le citoyen devra assumer en payant à l’avenir une taxe mécanique bien plus élevée ». Cet avis est d’ailleurs rejoint par celui des représentants des cinq sociétés qui ont également contesté le processus à diverses étapes.

Le ministre démissionnaire de l’Économie, Alain Hakim, avait d’ailleurs été jusqu’à parler de « véritable falsification du cahier des charges », dans une allusion au fait que « le contrat du contrôle mécanique a été concocté à la juste mesure d’une partie ». Contacté par L’OLJ, le ministre a indiqué « avoir été surpris de voir que le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, avait complètement ignoré la requête que j’avais faite ainsi que les ministres du Hezbollah en Conseil des ministres concernant le rajout de critères plus rigoureux dans le cahier des charges ». Le ministre démissionnaire a affirmé avoir d’ailleurs soumis une lettre de contestation officielle au Premier ministre, à M. Machnouk et la direction des adjudications. « Dans cette lettre, j’ai contesté le fait que les critères exigés en réunion n’avaient pas été ajoutés, provoquant la mise hors jeu des autres sociétés en compétition », assure M. Hakim, qui confie également avoir « de sérieux doutes sur le fait que la société Inkript se dissimulerait derrière la société libanaise du consortium ».
À noter enfin que SGS a également raflé, en parallèle, une série de contrats corollaires dont celui des permis de conduire et des plaques d’immatriculation, estimé à 172 millions de dollars additionnels.