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Effet collatéral

L’ÉDITO

 

Il a été ainsi établi, selon la police allemande, que le criminel qui a perpétré la tuerie de Munich, vendredi dernier, n’avait pas de motivation politique particulière mais était « fasciné » par les tueries de masse, à l’instar de celle commise il y a cinq ans en Norvège par le militant d’extrême droite Anders Breivik (qui, lui, par contre, était mû par des considérations de nature quelque peu « idéologiques » ). Le forcené de Munich aurait agi sous l’effet de pulsions meurtrières solitaires, de cette rage incontrôlable appelée « amok » et qui serait surtout répandue en Allemagne et aux États-Unis.
Ces pulsions personnelles existent, certes, à l’état latent mais, à l’évidence, elles éclatent au grand jour beaucoup plus facilement et se concrétisent plus aisément par des actes sauvages lorsqu’il se crée une situation chronique marquée par une banalisation de la violence. Les médias et les réseaux sociaux jouent, à n’en point douter, un rôle indéniable sur ce plan en entretenant régulièrement cette banalisation de la violence.
Force est de relever dans ce contexte que la tournure prise par la guerre syrienne a généré un climat de barbarie quasi quotidienne fortement médiatisée qui constitue un fort catalyseur à l’extériorisation publique des pulsions meurtrières individuelles. Il ne se passe pas un jour, en effet, sans que les scènes de massacres d’enfants et de civils, du fait notamment des bombardements aériens intensifs, ne soient étalées au grand jour. Sans compter les exécutions sommaires par décapitation, filmées et diffusées à grande échelle sur la Toile. Autant de facteurs stimulants qui créent une atmosphère propice à l’émergence du phénomène « amok ».
Nous avions à plusieurs reprises souligné dans ces mêmes colonnes, dès 2013, que le blanc-seing accordé par l’administration Obama au régime Assad, qui massacre en toute impunité son propre peuple, avec l’aide des milices chiites pro-iraniennes, aura pour conséquence de radicaliser les courants sunnites et de booster dangereusement les organisations jihadistes. Cette montée aux extrêmes a été crescendo à un rythme exponentiel, atteignant des limites repoussées sans cesse plus loin, du fait de l’indifférence générale (à l’exception notoire du gouvernement français) face à l’entreprise meurtrière du pouvoir en place à Damas.
Nous soulignions aussi dans ces mêmes colonnes que les dangers d’un renforcement du courant jihadiste, comme conséquence du maintien du régime Assad, ne sauraient se limiter à la seule région du Proche-Orient et finiraient par s’étendre au cœur même des sociétés occidentales, ce qui n’a pas tardé à se produire, effectivement, dans plus d’une capitale et agglomération européenne. Sauf que les conséquences directes d’une telle exportation de la montée aux extrêmes ont atteint aujourd’hui un stade que peu d’analystes et de responsables pouvaient prévoir. Car d’une certaine façon, la tuerie de Munich constitue un effet collatéral de la politique du « laisser-faire-laissez-passer » pratiquée à l’égard du conflit syrien. L’indifférence face aux massacres à répétition dont est victime la population civile en Syrie et le comportement sauvage des jihadistes qui en a résulté ont provoqué une situation de violence à l’état pur, laquelle représente, par ricochet, un détonateur pour les pulsions meurtrières solitaires.
La banalisation de la violence, à grands renforts de tapage médiatique sous l’impulsion des médias et des réseaux sociaux, a ouvert ainsi la boîte de Pandore, laissant libre cours non seulement aux fous de Dieu, qui ne cherchent qu’à saper, au cœur même de l’Europe, les valeurs et la civilisation occidentales, mais également à un nombre indéterminé de jeunes souffrant du phénomène « amok ».
Pour juguler ces pulsions meurtrières individuelles qui risquent de gangréner de plus en plus l’Occident, il est devenu aujourd’hui impératif de mettre un terme à la banalisation sans cesse croissante de la violence aveugle. Cela nécessite, plus que jamais, de s’attaquer aux principales sources du mal, au stade actuel : les intégrismes sunnites et chiites ainsi que le régime Assad qui constituent indéniablement les deux faces d’une même médaille.