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En finir avec Maliki

Le point

 

Il sera dit que les Américains devront boire le calice irakien jusqu’à la lie. Et ce n’est pas Nouri al-Maliki qui leur évitera de nouvelles humiliations. Au contraire même. La réponse du Premier ministre aux appels à la démission pour faciliter la formation d’un gouvernement de salut national est celle du berger à la bergère. Plutôt que l’annonce d’un départ à la retraite ou, plus insultant pour lui, la mise sur pied d’une équipe multiethnique et multiconfessionnelle, l’homme qui se paie le luxe de tenir tête à ceux qui l’ont fait roi réclame un soutien accru pour contrer l’inexorable montée du terrorisme, des frappes aériennes contre les rebelles « qui menacent la stabilité » de son pays et une coopération étroite de la part des services d’espionnage US.
On ne dira pas pourtant que Washington n’aura pas mis la pression. Depuis deux semaines, le branle-bas diplomatique est général, John Kerry sillonnant la planète pour convaincre alliés et même adversaires de la nécessité d’en finir avec celui d’où vient tout le mal. Quelques heures avant que le Premier ministre ne lâche sa bombe, Dianne Feinstein, présidente de la commission sénatoriale des Renseignements, affirmait devant ses pairs : « L’équipe actuelle doit s’en aller si nous voulons voir s’établir une réconciliation générale. » Et John McCain invitait instamment Barack Obama à signifier à l’intéressé qu’ « il est temps pour lui de s’en aller ».
Il y a quelque temps déjà que Washington étudie la possibilité de lancer des frappes ciblées. Une décision de principe a même été prise, mais, vient de faire valoir le général Martin Dempsey, chef d’état-major interarmes, la situation sur le terrain est loin d’être claire, ce qui rend compliquée une opération par voie aérienne. Visiblement excédé par l’insistance des politiques, il a lancé : « Ce n’est pas aussi facile que d’examiner l’image d’un convoi militaire saisie par un iPhone et de lâcher ses bombes. »
Que dire alors de la difficulté qu’il y a à traiter avec Maliki ? …
Dans son adresse hebdomadaire à la nation, le président du Conseil a jugé dangereux l’avènement d’un nouveau cabinet. « C’est là, a-t-il martelé, une tentative de la part des ennemis de la Constitution de faire capoter le processus démocratique et de prendre en otage le vote des électeurs. » Il est vrai qu’aux législatives du 30 avril dernier, la formation qu’il préside a raflé 92 des 328 sièges à pourvoir, soit le triple que son concurrent immédiat ; lui-même a réuni sur son nom quelque 720 000 bulletins sans pour autant s’assurer une majorité au sein du Conseil représentatif, la Chambre basse, selon le système bicaméral en vigueur (le Conseil de la fédération, ou Chambre haute, ne s’est jamais réuni).
Lors de sa dernière visite à Bagdad, le 19 courant, John Kerry avait cru comprendre que des préparatifs pour la mise en place d’une nouvelle équipe seraient entamés pas plus tard que le 1er juillet, soit dans moins d’une semaine. Fallait-il peut-être comprendre qu’entamer ne veut pas dire achever ? Même pas, puisqu’il n’est plus question de s’engager sur cette voie.
Sur le terrain, la situation n’est guère brillante, aussi bien pour le pouvoir que pour la rébellion. Certes, le Front al-Nosra, une émanation d’el-Qaëda, et l’État islamique en Irak et au Levant viennent de fusionner, et cela, à première vue, paraît de mauvais augure pour le pouvoir à Bagdad et à Damas. Mais la réconciliation est mal vue par certaines tribus présentes tout autant que par les autres groupes islamistes plus soucieux de se débarrasser de l’encombrant Maliki que de voir s’instaurer un califat islamique des deux côtés de la frontière.
Confrontés à une succession de problèmes qu’ils n’avaient pas prévus, les services secrets américains conviennent que les rebelles sont en mesure de préserver leurs avantages territoriaux et que les troupes loyales à l’État, incapables de lancer des contre-offensives, vont se contenter de harasser l’ennemi grâce à des raids héliportés et de consolider les lignes de défense de la capitale, aux portes de Baaqouba, à 75 kilomètres au nord.
Ce ne sont pas seulement les 300 « conseillers » promis par Obama qui rappellent fâcheusement les premiers jours de l’engagement américain aux côtés du Vietnamien Ngô Dinh Diem, c’est aussi l’atmosphère de fin de règne qui prévaut ces temps-ci sur les bords de l’Euphrate et qui rappelle les derniers jours de Saigon.
Quiz à l’adresse des amateurs du genre. Qui a dit : « C’est une guerre d’un genre nouveau qui se déroule ici (…), une guerre qui suppose le recours secret à la terreur, l’assassinat, l’embuscade, l’infiltration (…) Je crois que les USA feront le nécessaire pour repousser l’agression » ? (Robert F. Kennedy en 1962 à Saigon).
Et qui a dit : « Nous laissons derrière nous un Irak souverain, stable et autonome, doté d’un gouvernement représentatif » ? (Barack Obama, en décembre 2011).