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En pleine surenchère politique et militaire, arrive une colombe

 

 

LA SITUATION

Fady NOUN 

La 8e brigade de l’armée a poursuivi hier son déploiement sur certains axes de Ersal, saluée comme il se doit par la population de cette ville frontalière, tandis que des parlementaires du courant du Futur, comme notamment Jamal Jarrah, montaient aux créneaux pour contrer la campagne du Hezbollah en usant du seul langage qui puisse se situer au niveau du discours incendiaire prononcé lundi dernier par Hassan Nasrallah : celui de la surenchère.
C’est ainsi que M. Jarrah a dit haut et fort que « tout le Liban (sunnite) est derrière Ersal », alors que le Hezbollah poursuivait sa campagne et tendait des calicots dans certains villages chiites de la Békaa, suggérant une mobilisation générale contre les jihadistes censés se trouver dans la région de Ersal.
Faut-il craindre une déstabilisation ? Certes, théoriquement, le pays est à la merci d’un incident provocateur, certains pouvant trouver leur compte dans un affrontement sunnite-chiite. Mais ce serait pur suicide. Et cela, tout le monde le sait et tout le monde a su l’éviter jusqu’à présent, ayant toujours en bouche le goût amer du bref carnage de mai 2008 qui avait mené le Liban, horrifié et interdit, au bord du gouffre.
L’arrivée, dans ces circonstances à la fois dramatiques et absurdes, d’une colombe, en la personne d’un délégué du pape François, tient quelque part de la providence. Le cardinal Mamberti arrive au Liban chargé de transmettre « l’inquiétude » de François pour ce qui se passe dans ce pays, en particulier pour un blocage qui nous tient, depuis un an et plus, sans président de la République. L’une de ses tâches sera donc d’amener à raison Michel Aoun et Samir Geagea, et de les convaincre de sortir le pays de l’impasse constitutionnelle dans laquelle il se débat. Réussira-t-il ? À Dieu, certes, rien n’est impossible, mais en même temps, l’échec ne peut être exclu, et ce ne sera pas le premier de la diplomatie vaticane dans un pays pris dans une lutte qui va crescendo entre deux axes régionaux irréductibles.
Mais la providence pourrait être, justement, que cette brève visite d’une semaine soit le grain de sable qui enraye la machine, en l’occurrence le mécanisme d’escalade militaire et politique pour lequel semble avoir opté le Hezbollah et le général Michel Aoun, en imposant comme agenda au pays la « libération » de Ersal « occupé par all-Nosra », et le remplacement du directeur des FSI et du commandant de l’armée.
On en aura le cœur net dans les prochains jours. Une chose est acquise pourtant, selon une source proche du commandement militaire, « les rôles ne seront pas renversés et l’armée ne sera jamais une milice auxiliaire du Hezbollah, et si quelqu’un doit détenir la décision de la guerre contre al-Nosra, dans le jurd de Ersal ou ailleurs, ce sera elle et non le Hezbollah ».
Avec le Hezbollah, le pire est toujours à craindre, semble croire Ali Hojeiri, le président de la municipalité de Ersal, interrogé par l’agence al-Markaziya, qui croit que le parti de Dieu « ne sera heureux qu’après avoir embrasé Ersal ! ».
Citons enfin un ancien ministre qui croit fermement que les frontières du Liban sont « protégées » par la communauté internationale et que sa déstabilisation est « une ligne rouge » tracée par Washington que tout le monde a intérêt à respecter. Qu’y a-t-il de vrai dans une telle affirmation ? Toujours est-il qu’en pleine tourmente, le président de la Chambre, Nabih Berry, recevait hier l’ambassadeur des États-Unis, David Hale.
Mais si, à vue d’œil, les craintes d’un embrasement à Ersal paraissent exagérées, que va-t-il se passer, lundi, en Conseil des ministres avec l’autre dossier brûlant soulevé par le tandem Hezbollah-CPL, celui des nominations? Le général Michel Aoun parviendra-t-il à imposer son gendre, le général Chamel Roukoz, à la tête de l’armée, à l’expiration du mandat du général Jean Kahwagi le 23 septembre prochain ? Va-t-on négocier cette passation des pouvoirs avec une présidence de la République ? Le remplacement d’Ibrahim Basbous à la tête de la direction des FSI se fera-t-il indépendamment du cas du général Kahwagi, ou bien passera-t-on à Michel Aoun son caprice et négociera-t-on ces deux nominations ensemble ? Sachant que si on ne le fait pas, cet homme imprévisible laisse planer la menace d’un boycottage du Conseil des ministres et d’une aggravation du blocage institutionnel ! Gageons que d’ici à lundi soir, certains téléphones ne s’arrêteront pas de sonner.