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Entre Aoun et Nasrallah, une alliance basée sur la loyauté, la vision commune et les intérêts

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« Le nom de Michel Aoun est gravé sur mon linceul. » Cette phrase attribuée au secrétaire général du Hezbollah n’est pas de la pure poésie. Entre sayyed Hassan Nasrallah et le général Michel Aoun, il y a plus qu’une alliance conclue à Mar Mikhaël le 6 février 2006, une relation solide basée à la fois sur le respect, la confiance et les intérêts réciproques. Alors que pendant des années, les figures de proue du 14 Mars n’ont cessé de mettre en doute le sérieux de l’appui du Hezbollah au général Aoun, cherchant à semer la méfiance et la désillusion au sein de la base aouniste, aujourd’hui, après la position claire du parti aux côtés du chef du bloc du Changement et de la Réforme, en dépit de ce qui avait été présenté comme une initiative ayant l’aval des instances régionales et internationales, plus personne ne songe à contester le sérieux de l’alliance entre les deux hommes.

Beaucoup de rumeurs avaient pourtant circulé au cours des dernières semaines sur une position ambiguë du Hezbollah qui, au fond de lui, préférerait l’élection du chef des Marada à la tête de la République car il serait plus fiable et moins imprévisible que Michel Aoun. Mais après la rencontre entre Frangié et Nasrallah, tous les pêcheurs en eau trouble ont dû se rendre à l’évidence, la position du chef du Hezbollah ne souffre aucune interprétation. Elle est claire et définitive : la voie de la présidence passe par Rabieh. C’est avec le général Aoun qu’il faut donc discuter, soit pour appuyer sa candidature, soit pour le convaincre de la retirer, cette dernière éventualité étant difficile, voire impossible à réaliser, selon les milieux proches de Rabieh.

Il est donc inutile de chercher à trouver au sein du Hezbollah une voix discordante qui pourrait émettre ne serait-ce qu’une réserve sur la possibilité pour le général Aoun d’arriver à Baabda. Les sources du parti révèlent à cet égard qu’il ne s’agit pas pour le secrétaire général du Hezbollah d’une position uniquement morale et loyale. Les intérêts sont aussi en jeu et exigent une telle clarté dans les options. Le Hezbollah serait en effet conscient du fait que la couverture chrétienne que lui assure le général Aoun est un trésor inestimable, surtout face à la campagne féroce dont il est la cible, au Liban, dans la région et sur le plan international, et qui dure depuis des années, financée par des fonds américains et saoudiens. Il y avait certes eu, avant le chef du CPL, des leaders et d’importantes figures chrétiennes favorables au Hezbollah et à la résistance. Le chef des Marada Sleiman Frangié en fait partie, tout comme l’ancien chef d’État Émile Lahoud et d’autres. Mais aucun de ceux-là, en dépit de leur loyauté sans faille à la résistance, n’avait réussi à donner au Hezbollah une telle couverture chrétienne au niveau de la base et des commandements. Cette relation entre le parti et le CPL a créé un climat serein pour le Hezbollah (et pour les chrétiens) dans les nombreux régions et villages mixtes entre eux et autour de la banlieue sud, donnant une plus grande marge de sécurité au Hezbollah et lui permettant d’être tranquille sur le plan interne pour se consacrer à la double mission qu’il s’est fixée : rester vigilant à la frontière avec Israël et participer aux combats en Syrie contre les mouvements terroristes.

Pour le Hezbollah, il s’agit d’un acquis stratégique qu’il n’est pas prêt à brader ou même à remettre en cause pour n’importe quel motif. C’est d’autant plus vrai qu’à plusieurs étapes de la lutte politique du CPL, au cours des dernières années, la confiance de la base aouniste dans le Hezbollah a été ébranlée en raison des positions de ce dernier, qu’il s’agisse de la prorogation du mandat du Parlement ou encore de la séance parlementaire pour la législation dite d’urgence, et même du dossier des déchets. À travers ces dossiers, et les positions du CPL et de ses députés, dont certains ont été jusqu’à parler d’un nouvel accord quadripartite (Amal, Hezbollah, courant du Futur et PSP), le Hezbollah a compris que tous les acquis de l’alliance de Mar Mikhaël peuvent être balayés par une seule déclaration du général Michel Aoun. La base aouniste reste donc principalement fidèle et loyale à son chef, prête à suivre ses directives quelles qu’elles soient.

Le Hezbollah est ainsi convaincu que s’il parvient à faire élire le général Aoun à la présidence de la République, il donnera un message fort de crédibilité, de loyauté et de puissance à tous les protagonistes libanais, qu’ils soient alliés ou rivaux, et surtout il pourrait alors estimer avoir gagné une assise chrétienne solide. Ce serait aussi un message aux parties régionales et internationales, qui montre que le Hezbollah respecte la volonté des chrétiens et ne cherche pas à leur imposer un président qui ne les représente pas, allant même jusqu’à dire non à un allié de longue date qui n’a pourtant jamais failli… L’appui de sayyed Nasrallah à la candidature du général Aoun s’inscrit donc dans une stratégie qui vise à se présenter comme un partenaire digne de foi et en même temps suffisamment fort pour parvenir, par sa position, à remettre en cause une initiative présidentielle présentée comme ayant l’aval de nombreuses parties régionales et internationales. Il reste toutefois au Hezbollah à montrer qu’il n’est pas seulement en mesure d’entraver une solution qui ne convient pas à son allié, mais qu’il peut aussi parvenir à faire accepter leurs conditions communes.