La sortie du tunnel est-elle en vue? Rien n’est sûr encore. Certes, un vent d’optimisme a soufflé hier sur le pays, au terme de deux rencontres apparemment importantes du Premier ministre désigné, l’une avec le président de la Chambre, Nabih Berry, l’autre avec le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Ces rencontres coïncident avec une mise en garde du Hezbollah contre une tension qui pourrait mener à « un autre arbitrage que celui des institutions ». Car à l’instar d’autres courants, le parti de Hassan Nasrallah commence, semble-t-il, à sentir le roussi. En fait, ce sont les menaces de recourir à la rue exprimées par Gebran Bassil qui ont donné consistance à cette appréhension.
Pour sa part, le Premier ministre désigné a opportunément rappelé à tous les acteurs de la crise – en prenant les Forces libanaises en exemple – que les institutions reflètent un « partenariat » et que les exigences d’un camp doivent être « acceptées de tous », avant de se traduire au niveau des institutions. Le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a reçu le chef du CPL, quelques heures après avoir annoncé qu’il allait faire de nouvelles propositions pour la formation du gouvernement, et appelé les différentes parties à placer l’intérêt du pays « avant leurs demandes de quotes-parts ». Les deux hommes se sont entretenus à la Maison du Centre, résidence de M. Hariri, avant de dîner.
Le problème de la formation du cabinet, qui se fait attendre depuis plus de deux mois, « est exclusivement d’ordre interne et lié à la répartition des portefeuilles », avait affirmé le Premier ministre désigné, à l’issue d’une réunion préalable de plus de deux heures avec le président de la Chambre, Nabih Berry. Cette réunion s’était tenue à Aïn el-Tiné, en présence du numéro deux d’Amal, Ali Hassan Khalil, du ministre de la Culture, Ghattas Khoury, et de l’ancien ministre Bassem Sabeh (Futur).
Rencontre extrêmement positive
La rencontre avait été jugée « extrêmement positive » par M. Hariri qui avait rendu hommage à la volonté de M. Berry « de se rendre utile par tous les moyens » et qui avait annoncé « d’autres rencontres dans les prochains jours », dont la première, semble-t-il, a été celle qu’il a eue avec M. Bassil. M. Hariri la fera suivre, aujourd’hui, d’une rencontre avec les Forces libanaises et le PSP.
M. Hariri avait laissé entendre que « les choses vont peut-être conduire à quelque chose de positif ». Et d’enchaîner en assurant que « nulle partie étrangère ne s’ingère dans le processus de formation du gouvernement, pas plus qu’il n’existe de pressions en ce sens ». « Le problème, a-t-il martelé, est interne. C’est une question de parts. »
Le Premier ministre désigné a précisé, en réponse à une question, qu’il n’a pu encore proposer au chef de l’État une formule gouvernementale, car la question des parts en est « un préalable » indispensable.
Sur l’insistance des FL à obtenir un portefeuille régalien, M. Hariri a répondu qu’il est « normal que chacun réclame sa part » au sein du Conseil des ministres. « Mais, a-t-il ajouté, nous devons savoir que le pays repose sur le partenariat et que la demande des FL doit être acceptée de tous ». « Nous y travaillons », a-t-il conclu.
Détente en vue
Revenant sur les différents « nœuds » qui font obstacle à la formation du cabinet, M. Hariri a affirmé qu’à son avis, « les nœuds sont en train de se défaire petit à petit » et que « l’atmosphère va vers la détente ». Et le Premier ministre d’inviter tous les acteurs de la crise interne à « ne pas faire part de leurs exigences » en public, pour ne pas se retrouver prisonniers de leurs propres paroles et incapables de faire marche arrière.
Si rien n’a filtré de la rencontre de M. Hariri avec Gebran Bassil, on en sait par contre un peu plus de celle qu’il a eue avec le président de la Chambre. Selon Hoda Chédid, notre informatrice, les entretiens ont porté sur le gouvernement, bien sûr, mais aussi sur les séances législatives que M. Berry souhaite tenir à la Chambre, dès que les propositions de loi qui s’imposent, une quinzaine, auront été finalisées. Objet de friction momentanée, la séance législative a été jugée, d’un commun accord, « de nécessité » au regard de certaines exigences internationales.
En ce qui concerne le nouveau gouvernement, M. Hariri serait porteur d’un projet dans lequel les FL disposeraient de quatre portefeuilles, dont deux ministères à grands services, un ministère à service ordinaire et un ministère d’État. Il n’est pas exclu que la Santé aille à ce parti, étant donné les réserves de la communauté internationale à l’égard du Hezbollah. Un montant de 495 millions de dollars allant à la Santé pourrait ne pas être octroyé, si ce ministère est attribué au parti chiite, prévient-on de source internationale.
Que les FL acceptent cette offre ou pas, le PSP, pour sa part, est toujours intransigeant et exige que les trois portefeuilles allant à la communauté druze lui reviennent.
Enfin, on apprenait que les députés sunnites hors courant du Futur recevraient un portefeuille de la part du chef de l’État, et ce ministère serait attribué à Fayçal Karamé.
Le recours à la rue
Les deux rencontres majeures de la journée ont certainement détendu un climat qui commençait à tourner au vinaigre. Mardi, le leader du CPL avait menacé de recourir à la rue. « S’il faut que nous menions une action politique, diplomatique et populaire pour libérer le Liban de la prison politique dans laquelle nous nous trouvons, alors nous ne perdrons pas de temps », avait-il lancé sans donner plus de précisions.
« Je ne répondrai pas à ces menaces. Mais si celui qui a lancé cette idée estime que c’est la solution, qu’il le fasse », a réagi M. Hariri à sa sortie de Aïn el-Tiné.
C’est probablement l’une des raisons qui ont poussé le Hezbollah à mettre en garde contre toute montée de la tension politique. La formation d’un nouveau gouvernement est « nécessaire pour éviter les dangers d’une montée de tensions », a affirmé son bloc parlementaire, jugeant que « l’attente raisonnable pour former le nouveau gouvernement a trop duré, au point que la tension peut conduire à recourir à d’autres arbitrages que celui des institutions ».