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Entre l’armée et le Hezbollah, un duel à fleurets mouchetés

 

 

Fady NOUN |

C’est avec des vocables forts – intimidation, dénaturation, occultation (de la vérité), parasitage – que le commandant de l’armée, Jean Kahwagi, s’est élevé implicitement contre la campagne orchestrée par le Hezbollah, avec la complaisante participation du Courant patriotique libre, pour mettre en doute les capacités de la troupe et, parallèlement, l’entraîner dans une bataille dont elle ne veut pas.
Mensonge éhonté sur le danger véritable, campagne d’intimidation destinée à effrayer l’opinion, tentative de paniquer la population et de « parasiter » la stratégie militaire, mise en doute des capacités de l’armée, voilà ce que le général Kahwagi reproche sans le nommer au Hezbollah, avec les mots qui lui sont permis, sans craindre d’affirmer en toute fierté que la troupe a réussi parfois là où d’autres armées régulières, réputées bien plus fortes, ont achoppé.

Les paroles du général Kahwagi anticipent sur le Conseil des ministres qui sera consacré, lundi, aux questions de la situation militaire à Ersal et à celle de la nomination des successeurs du directeur général des FSI et du commandant en chef de l’armée. Sachant que le mandat du premier expire début juin, alors que le mandat du général Kahwagi expire le 23 septembre prochain.
Dans le discours du général Kahwagi, il y a l’assurance que l’armée contrôle la situation à Ersal, sur le plan militaire, sans préjuger de la « sécurité intérieure » du village. Or, même sur ce plan, l’armée a fait hier un geste de bonne volonté, faisant circuler des patrouilles à l’intérieur du village et procédant à des contrôles d’identité. Ce faisant, toutefois, ce sont des fonctions policières qu’elle exerce. Car pour le commandement militaire, il n’est pas question de procéder à des attaque frontales, notamment contre les camps de réfugiés syriens vers lesquels – selon le Hezbollah – mais ce n’est pas là un secret – certains des combattants du Qalamoun syrien refluent ou ont reflué après les batailles des dernières semaines.
Le ministre de l’Intérieur a évalué leur nombre, hier, à « quelques dizaines ». Seraient-ils plus nombreux que l’armée ne bougerait pas de sa propre initiative, a indiqué de son côté le ministre de la Défense, Samir Mokbel, qui a mis en avant le « coût très élevé » d’une telle bataille.
Une occupation « démographique »
Au demeurant, les seconds couteaux de service ont beau avancer un argument qu’ils doivent au ministre de l’Intérieur, à savoir que Ersal est « occupé », la clé de cette occupation n’est pas militaire d’abord, mais démographique. Pour une population d’environ 40 000 habitants, Ersal abrite un camp de réfugiés qui en comprend 160 000. La disproportion numérique entre Libanais et Syriens est en elle-même le signe d’un déséquilibre malsain… Mais le moyen d’y remédier, quand les jihadistes prennent des dizaines de milliers de civils comme boucliers humains ?
Enfin, on précise de source informée qu’en procédant à des contrôles policiers pour rassurer la population, l’armée est consciente qu’elle s’offre en cible trop facile à atteindre, pour un ennemi impitoyable qui pourrait en profiter. Mais elle le fait quand même, pour prouver à ceux qui mettent en doute ses capacités qu’elle reste fidèle à son serment. En ce qui concerne le jurd de Ersal, que le Hezbollah considère aussi comme « occupé », selon des propos tenus hier en Conseil des ministres par Mohammad Fneich, la source informée citée plus haut précise que, là aussi, le Hezbollah joue sur l’ambigüité, voire la mauvaise foi. Ce sont les Syriens eux-mêmes, précise-t-elle, qui ont refusé le démarquage de la frontière syro-libanaise, et ce ne sont pas les besoins militaires du Hezbollah qui doivent déterminer par où passe la frontière et où l’armée doit intervenir.
Selon le ministre de la Défense, l’armée tient fermement et hermétiquement une ligne allant de Ersal à Ras-Baalbeck assurant la sécurité de tous les villages limitrophes de la frontière.
Il n’est pas raisonnable de perturber cet équilibre, pour des impératifs stratégiques qui ne sont pas ceux du Liban, mais ceux du régime syrien, notamment des voies de communication entre Damas et Homs, ajoute la source informée citée.
Au demeurant, c’est avec des accents passionnés que le ministre de l’Intérieur a plaidé, une fois de plus, en Conseil des ministres, pour un retrait du Hezbollah de Syrie, assure une source ministérielle, en mettant en avant la dimension religieuse du conflit, avec la décision du Hezbollah de protéger le sanctuaire de Sitt Zeinab, près de Damas, alimentant ainsi un « brasier » qui pourrait tout dévaster.

Que se passera-t-il lundi en Conseil des ministres ? Il est trop tôt pour le dire et des conciliabules internes pourraient modifier la donne, affirment certains. La communauté internationale tient à la stabilité du Liban et, une fois de plus, ce facteur jouera en sa faveur, assurent d’autres. En tout état de cause, on apprenait hier que le Premier ministre, Tammam Salam, prend l’avion mardi pour l’Arabie saoudite, où il se rend en visite protocolaire, pour féliciter le roi Salman après son accession au trône. De là, il pourrait ensuite faire un saut en Égypte, pour y rencontrer le président Abdel Fattah el-Sissi.