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… Et Ryan dans tout ça ?

 

Durant toutes ces journées de fièvre et de clameurs dans la rue, vous avez sans doute compati avec ces manifestants exhibant à la télé les blessures plus ou moins graves qui leur avaient été infligées par les forces de l’ordre. Vous avez pu vous émouvoir aussi, et pourquoi pas, au spectacle des agents attaqués au cocktail Molotov et qui, au final, ont compté le plus grand nombre de blessés dans leurs propres rangs. Et c’est avec une sympathie empreinte d’admiration que vous suivez quotidiennement les épreuves que subissent, sur la chaussée, de jeunes et stoïques grévistes de la faim.

Mais peut-être n’avez-vous pas pris suffisamment garde à l’illustration la plus pathétique de notre société en crise, de notre pays malade. Il s’agit de ce monsieur, incroyablement digne dans sa tristesse et sa détresse, qui vient de temps à autre se mêler aux porte-parole des manifestants choyés par les caméras.

Loin des vociférations ambiantes, cet homme parle d’une voix calme, sans effets de manche, sans brandir le poing, ni même un index accusateur. Délégué par les siens, il se présente juste pour rafraîchir, d’une voix égale, les mémoires encombrées par les soubresauts de la brûlante actualité. Il est là juste pour rappeler qu’il y a tout de même plus grave, plus important, plus tragique et pressant que les déchets ménagers qui menacent de recouvrir le pays, ou que les magouilles et rapines des hommes politiques que l’on traite allègrement d’ordures. Et que ce plus grave, plus honteux et plus révoltant, c’est le calvaire qu’endurent depuis un an et demi déjà près de trois douzaines de soldats et de gendarmes séquestrés par des terroristes égorgeurs et que semblent avoir oubliés, à l’unisson, leur État, leurs responsables, leurs chefs et jusqu’à leurs compatriotes. Non, le Liban n’est pas hélas un de ces pays qui remueraient ciel et terre pour récupérer un de leurs fils en difficulté, qu’il soit militaire ou simple citoyen. Pour nous, c’est seulement au cinéma qu’est sauvé le soldat Ryan…

Cela dit, comment un aussi minuscule Liban peut-il abriter tant de mondes différents, de planètes gravitant à l’aveugle sur des orbites condamnées à ne jamais se croiser ? Les familles des otages ne sont pas seules en effet à se recroqueviller dans leur univers d’angoisse, de douleur et d’espoirs déçus. Pour parfaitement justifié que soit leur ras-le-bol, pour noble que soit la cause qu’elles défendent, les associations civiles n’ont pas toujours su échapper au noyautage, à la manipulation et aux manœuvres de récupération multipliées par certaines forces politiques : lesquelles ont mis en avant, de surcroît, des exigences aussi extrêmes que la chute du système, alors que ce qui est demandé est l’éviction des ripoux qui pillent et défigurent le système.

C’est aux leaders de ce pays que revient cependant la palme de l’autisme. Témoin en est cette surréelle session du mensonger dialogue national qui se tenait, il y a quelques jours, au Parlement. Dans le même temps grondait, au-dehors, une révolte populaire totalement occultée par ces lunaires personnages, dont plus d’un mériterait sérieusement de se retirer des affaires, politiques et autres…

Dans notre pauvre pays croulant sous les ordures, les seules poubelles qui se perdent sont décidément celles de l’histoire.