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Et si…

 

Emberlificotée, bourrée de contradictions, impraticable de toute manière, puisque le Parlement est en panne de législation, révélatrice enfin d’un incurable égocentrisme : à peine était-elle formulée, jeudi, que la proposition du général Michel Aoun d’une élection présidentielle au suffrage universel se heurtait à tel flot d’objections que la place manque pour les énumérer ici.

Le débat est loin d’être clos pour autant. Face à aussi extravagant projet, c’est en effet un raisonnement par l’absurde qui s’imposait encore, à seule fin d’en signaler les effets pervers si, par extraordinaire, celui-ci venait à voir le jour. Son initiative, le chef du Courant patriotique libre la motive par la nécessité, fort légitime d’ailleurs, de redonner lustre et consistance à une fonction présidentielle fortement anémiée par l’accord de Taëf. Il part toutefois de l’idée – fort contestable – que le poste doit revenir au leader chrétien le plus populaire aux yeux de sa propre communauté, autrement dit à lui-même, si l’on s’en tient cette fois à son propre point de vue. Et pour que soit satisfaite cette précondition, il préconise un premier tour de scrutin strictement réservé aux chrétiens, la victoire finale étant sanctionnée par un second tour, ouvert celui-là à tous les Libanais.

Passons sur l’hérésie constitutionnelle qui consisterait à offrir au citoyen l’accès au suffrage universel, pour lui en limiter aussitôt l’usage à l’élection d’un candidat appartenant à une communauté bien précise : la rue a beau faire le Parlement, elle n’est pas un parlement, elle n’est pas tenue au respect des mêmes astreintes et traditions découlant du pacte national, par lequel la présidence de la République était dévolue aux maronites. Que resterait-il ainsi de cette préqualification chrétienne, dûment acquise au premier tour, si elle venait à être ignorée, reniée lors de l’étape suivante du scrutin ? Dans quel piège inextricable, quelle interminable polémique aurait-on plongé alors le principe sacro-saint de l’entente nationale ? Quelle boîte de Pandore aurait-on inconsidérément ouvert si les urnes étaient inondées de suffrages en faveur d’un leader musulman : autre cas de figure qu’autoriserait la même et inaliénable liberté de conviction et de vote ?

Réhabiliter la présidence est naturellement la préoccupation majeure des chrétiens de ce pays. Or ce n’est pas en systématisant le défaut de quorum à l’Assemblée, et en perpétuant de la sorte la vacance au sommet de l’État, que des candidats maronites peuvent œuvrer pour la bonne cause ; ce qu’ils réussissent à faire seulement, c’est banaliser le vide, c’est accoutumer les Libanais à vivre – sans qu’ils s’en portent plus mal, ma foi – dans une république sans tête. Non moins lourde est, au demeurant, la responsabilité des forces musulmanes qui se prêtent à l’aventureuse manœuvre. Moins que jamais à l’heure du califat de Daech, la présidence du Liban ne peut être l’affaire des seuls chrétiens.