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… Et un sixième report pour l’élection présidentielle

La séance parlementaire qui devait se tenir hier pour l’élection du président de la République a été reportée au 18 juin, faute de quorum. En marge de cette réunion avortée, le chef du législatif a entrepris des concertations informelles avec des pôles parlementaires, axées sur la tension sociale et le dossier de la grille des salaires.

Et de six… Rien de nouveau, encore, sous le soleil. La sixième séance parlementaire consacrée à l’élection du président de la République, appelé à succéder au général Michel Sleiman, a connu hier le même sort que les cinq réunions précédentes. Seize jours après l’expiration du mandat de M. Sleiman, le quorum requis (de 86 députés) n’a pas été, encore une fois, atteint, seuls 64 parlementaires s’étant présentés dans l’hémicycle à l’heure prévue, soit à midi. Comme il fallait s’y attendre, ce sont les blocs du Hezbollah, du Courant patriotique libre de Michel Aoun et des Marada de Sleimane Frangié qui ont provoqué le défaut de quorum. En contrepartie, et à l’instar des autres séances, les députés des différentes composantes du 14 Mars ainsi que ceux du Bloc démocratique de Walid Joumblatt et du bloc de Nabih Berry ont répondu présent, à quelques exceptions près (pour des considérations d’ordre personnel). De ce fait, le chef du législatif a reporté la séance électorale au mercredi 18 juin, à midi.
Ce nouvel ajournement du vote a été vivement dénoncé par plusieurs pôles du 14 Mars. De Maarab où il suivait en direct l’activité parlementaire d’hier, le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, a déclaré que « nous vivons aujourd’hui (hier) une nouvelle journée triste en raison de ce qui se passe à la Chambre » (le boycott de l’élection présidentielle par le Hezbollah et le bloc aouniste). « Nous avons ainsi l’impression que le système s’effondre, non pas sous l’effet de circonstances exceptionnelles, mais du fait de l’attitude de certains députés qui sont censés, plus que d’autres, préserver ce système, d’autant que c’est un tel système qui leur a permis d’être élus députés. »
Le leader des FL a appelé sur ce plan les citoyens à assumer leurs responsabilités, invitant les électeurs des députés qui boycottent les séances électorales à se rendre chez les élus en question pour leur signifier qu’ils ont voté pour eux afin de « consolider le système et renforcer l’État, et non pas pour vider le palais de Baabda et paralyser le pouvoir ».
De son côté, le député Élie Keyrouz, membre du bloc parlementaire des Forces libanaises, a tenu, place de l’Etoile, une conférence de presse au cours de laquelle il a souligné qu’avec l’expiration du mandat du président sortant « il n’est plus adéquat d’appliquer l’article 73 de la Constitution ». M. Keyrouz a relevé sur ce plan que contrairement à l’article 73, l’article 74 n’évoque pas la prérogative du chef du législatif pour ce qui a trait à la convocation de la Chambre pour l’élection du nouveau président. L’article 74, précise le député FL, stipule que le Parlement se réunit « immédiatement et de plein droit » en cas de vacance à la présidence « pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause ». M. Keyrouz a souligné dans ce cadre que la Constitution prévoit qu’en cas de vacance à la présidence, le rôle de la Chambre en tant que corps électoral doit prévaloir sur son rôle en tant qu’appareil législatif.

Les attaques de Aoun contre Hariri et Joumblatt
M. Keyrouz a par ailleurs dénoncé le fait que le 8 Mars n’ait pas encore annoncé explicitement l’identité de son candidat à la présidence. « Le général Aoun est candidat sans être candidat, et il est candidat implicitement sans qu’il ne soit désigné comme tel », a déclaré le député FL qui a d’autre part ironisé sur le caractère « consensuel » de la candidature implicite du général Aoun. M. Keyrouz a rappelé sur ce plan les attaques frontales lancées par le chef du CPL contre le leader du courant du Futur, Saad Hariri, et le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. Il a indiqué à ce propos qu’en date du 20 janvier 2013, le général Aoun a qualifié M. Joumblatt de « chef de l’association des isolationnistes au Liban » et en date du 2 avril 2013, il a tenu des propos qui portent atteinte à la dignité du leader du PSP. M. Keyrouz a en outre rappelé que le 5 février 2011, le général Aoun a déclaré que Saad Hariri « est l’un des pôles du groupe de faux témoins » (dans le procès sur l’attentat du 14 février 2005), « sans compter que le général Aoun n’a pas épargné le président Rafic Hariri, le haririsme politique, le courant du Futur et les sunnites du Liban », a rappelé en conclusion M. Keyrouz.

Samy Gemayel et Harb
De son côté, le député et ministre Boutros Harb a déploré le fait que « certaines factions politiques tentent d’imposer un candidat à la présidence ». « La rançon qu’ils nous réclament pour débloquer l’élection présidentielle est de donner notre aval à leur diktat concernant le choix du président, ce que nous rejetons totalement, a déclaré M. Harb. Il est inconcevable que nous acceptions de violer la Constitution et de prendre le Liban et ses institutions en otages pour assurer l’intérêt d’une personne ou d’une faction politique déterminée. »
Quant au député Kataëb Samy Gemayel, il a déclaré que « ceux qui torpillent la Constitution et boycottent les séances consacrées à l’élection du président de la République feront face à la rue ». M. Gemayel a souligné en outre qu’il ne saurait être question de faire comme si de rien n’était et de poursuivre l’action du Parlement normalement en dépit de la vacance à la présidence de la République. Il a indiqué à cet égard que par voie de conséquence, les députés Kataëb boycotteront la séance parlementaire régulière prévue pour aujourd’hui, mardi.

Kassem Hachem répond à Keyrouz
Il convient d’indiquer dans ce cadre que le député Kassem Hachem (Baas proche du régime syrien) a répondu à la conférence de presse du député FL tenue hier au Parlement. Il a notamment rejeté l’idée que le Parlement doit se réunir de plein droit sur base de l’article 74 de la Constitution. Fustigeant ceux « qui veulent nous donner des leçons en droit constitutionnel », le député baassiste a déclaré que « le processus d’élection du président de la République se déroule conformément à l’article 73 de la Constitution ». « Le président Nabih Berry, a-t-il déclaré, use de ses prérogatives depuis le premier instant de l’échéance constitutionnelle, et tout propos portant sur l’article 74 est totalement en contradiction avec la Constitution. »

Les contacts de Berry
En tout état de cause, le nouveau rendez-vous manqué d’hier, auquel tous les milieux s’attendaient, a fourni l’occasion au président de la Chambre d’entreprendre une série de réunions informelles et de concertations se rapportant essentiellement à l’épineux problème de la grille des salaires du secteur public et des enseignants des écoles privées et officielles. M. Berry a convoqué les députés à une séance, aujourd’hui mardi, afin de poursuivre le débat sur le projet de loi relatif à cette grille des salaires (voir par ailleurs). Les blocs parlementaires n’avaient pu s’entendre, jusqu’à présent, sur une mouture finale de ce projet de loi, plus particulièrement pour ce qui a trait aux modes de financement de ce réajustement de salaire réclamé par les fonctionnaires des administrations publiques et par les enseignants. Nombre de députés, d’horizons politiques divers, soulignent en effet que l’approbation de la nouvelle grille des salaires, telle que réclamée par les organisations syndicales, aura des retombées catastrophiques sur l’économie du pays.
Ce dossier a été discuté au cours d’une réunion de plus de deux heures que M. Berry a tenue, vers midi, avec le Premier ministre Tammam Salam, en présence du chef du bloc parlementaire du courant du Futur, Fouad Siniora, de l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, de la députée Bahia Hariri et du ministres des Finances, Ali Hassan Khalil.
Auparavant, M. Berry avait conféré avec le ministre de l’Éducation, Élias Bou Saab, avec qui il a notamment discuté de l’impact du problème de la grille des salaires sur les examens officiels. On sait que les enseignants affirment qu’ils boycotteront ces examens si le Parlement ne vote pas le réajustement des salaires qu’ils réclament.
Toujours dans le cadre des concertations informelles entreprises hier, place de l’Etoile, M. Fouad Siniora a tenu une réunion avec le député Georges Adwan, membre du bloc des Forces libanaises, qui présidait la sous-commission parlementaire qui avait été chargée de réexaminer le projet de loi sur la grille des salaires, notamment pour ce qui a trait aux moyens de financement. À sa sortie du Parlement, M. Siniora a souligné sur ce plan que les chiffres de la grille des salaires devraient être définis sur une base « acceptable, de manière à ce que l’économie du pays puisse supporter une telle hausse ». « D’autre part, les sources de financement ne devraient pas aboutir à une récession économique », a ajouté M. Siniora.