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Geagea : « Nous ne nous laisserons pas prendre au jeu de la diversion »

 

« Les positions du général Michel Aoun sont versatiles et celles
du Hezbollah camouflées », estime le leader des Forces libanaises.

Sandra NOUJEIM

À Maarab hier, le suivi de la huitième séance électorale a été bref, la durée de retransmissions directes de la routine du report étant de plus en plus réduite. De même, les accusations contre le boycottage des séances ne supportent plus de détails superflus, dont ferait partie l’initiative du chef du bloc du Changement et de la Réforme.
C’est à midi, heure exacte de la tenue de la séance électorale, que le leader des Forces libanaises Samir Geagea rejoint les journalistes, réunis dans la petite salle de conférences. Avant de s’installer, il tâte l’affiche portant son slogan électoral de « la République forte », qui tapisse le mur du fond.
Dans le quart d’heure qui précède l’annonce des conférences de presse à l’hémicycle, il se livre à de petits apartés avec quelques journalistes installés près de lui. Ses réponses sont guidées par la même idée : « La présidentielle reste le sujet principal, l’enjeu essentiel et prioritaire. Il est obligatoire de déployer tous les efforts pour l’honorer. »
C’est dans cet esprit qu’il répondra d’ailleurs à l’initiative du chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun, lors de son point de presse. Selon lui, celle-ci ne serait qu’une « diversion », un « moyen de détourner l’attention » de la présidentielle, ce qui ôterait a priori tout intérêt à en débattre sur le fond. C’est donc sur la forme que le leader des FL a rejeté l’initiative de Michel Aoun. « Indépendamment de sa justesse, elle ouvre la voie à un débat sur le sexe des anges. »
Long et fastidieux, ce débat serait en tout cas impossible à consacrer par un amendement constitutionnel. « Le Parlement siège aujourd’hui en session extraordinaire, au cours de laquelle aucun amendement ne peut être voté. La prochaine session ordinaire ne sera ouverte qu’après les législatives, prévues en octobre », a-t-il souligné, insistant également sur la difficulté de recueillir les deux tiers des votes pour entériner l’amendement.

Une offre à Michel Aoun
Mais Samir Geagea nuance cette argumentation. « Si l’on concède la validité de la proposition du général Aoun, il existe un moyen de la mettre en œuvre immédiatement, sans recourir à un amendement constitutionnel », a-t-il déclaré en substance.
Le général Aoun propose en effet l’élection du président de la République au suffrage universel en deux tours, le premier, de qualification, réservé aux seuls électeurs chrétiens, et le second devant départager les deux candidats arrivés en tête du premier tour. « Nul ne peut contester aujourd’hui que les deux personnes les plus représentatives des chrétiens sont Michel Aoun et Samir Geagea. Pourquoi alors ne pas nous rendre ensemble au Parlement et mener notre course à la présidence ? C’est comme si nous avions mis en pratique l’amendement constitutionnel préconisé par le général Aoun », a proposé Samir Geagea.
Mais il n’est pas convaincu que cet appel trouvera un écho auprès du chef du CPL. « L’appui de Michel Aoun ou son refus de Taëf, ou de toute autre question, comme la théorie de l’alliance des minorités, n’est tributaire que des variations de son jeu politique », estime-t-il. Lors de la conférence de presse, Samir Geagea a également dénoncé « le camouflage par le Hezbollah de ses vraies positions ». « Celles-ci sont discernables sous l’angle de son idéologie. Il est ainsi, par principe, contre le projet du Rassemblement orthodoxe et donc on ne peut compter sur l’appui du Hezbollah à l’initiative de Michel Aoun », a-t-il affirmé, en réponse à une question. Il reste que le parti chiite « n’est point dérangé par le blocage provoqué par le discours aouniste ». « Il ne se soucie pas de la vacance présidentielle, c’est pourquoi il se tait sur la question », ajoute-t-il.

Une menace à l’adresse du Futur
Face à cette politique de la simulation et des manœuvres, il serait donc vain, voire contre-productif, de traiter sur le fond de l’initiative de Michel Aoun. « Elle ne fait que raviver des polémiques passées, se substituant à l’obligation simple de se rendre à l’hémicycle pour élire un nouveau président », a ajouté Samir Geagea, sans manquer de rappeler que « ceux-là mêmes qui attaquent aujourd’hui les accords de Taëf avaient agi sous son couvert en 1990 (la guerre de libération menée par Michel Aoun, NDLR) et après 2005, notamment avec les accords de Doha ».
C’est donc un débat long, indéfini que risquerait de déclencher cette initiative, elle-même artificielle, estime le chef des FL. « Je ne me laisserai pas prendre à ce jeu et prie tout autant les députés de ne pas le faire », a-t-il affirmé.
Pour Samir Geagea, l’initiative aouniste porterait en réalité, à l’adresse du courant du Futur, « une menace directe de torpiller les accords de Taëf » – même si le général Aoun avait veillé, dans son discours, à assurer ses arrières dans ses rapports avec le leader du Futur en omettant par exemple d’associer nommément la loi électorale qu’il propose à celle, pourtant similaire, du Rassemblement orthodoxe.

De la tenue des législatives
Il reste que « le plus grave dans tout cela est que Michel Aoun ne réalise pas que le blocage qu’il provoque a un prix », précise Samir Geagea. Mais en marge de son point de presse, il estime que le leader du CPL commencerait déjà à ressentir les répercussions directes, sur sa popularité, de tous ses prétextes au blocage. Viendra un temps, « qui pourrait encore bien tarder », où le Hezbollah sera mis au pied du mur en Syrie et en Irak, et décidera de plancher sur le dossier de la présidentielle.
Il en écartera alors Michel Aoun sans problème puisqu’il lui aurait donné, en vain, tout le temps pour mûrir son ouverture sur le courant du Futur.
Face à cet état d’attente forcée, les FL approuveraient la tenue des législatives, même en l’absence d’un chef de l’État, « afin d’éviter un double vide ». C’est sur la base de la loi électorale mixte, approuvée par le courant du Futur et le Front de lutte nationale, qu’il préconise la tenue des législatives, sans toutefois cacher son scepticisme sur la volonté réelle du 8 Mars d’y procéder.