Pile, je rafle tout ; face, c’est toi qui supportes le gros des pertes. Tel est l’insensé marché que le Hezbollah s’évertue à imposer, au gré de ses équipées guerrières, au peuple libanais. Lequel peuple, dans son écrasante majorité, se refuse pourtant à servir de chair à canon pour satisfaire les ambitions impériales de l’Iran, que ce soit au Liban même, en Syrie, en Irak, au Yémen ou qui sait, un jour, au Kirghizistan.
Dans le cas précis de la bataille du Qalamoun syrien, qui se déroule à un jet de pierre du territoire national, ce sont des sommets de perversion qu’atteignent les méthodes de la milice partie prêter main-forte à Bachar el-Assad face aux islamistes radicaux. Faut-il souhaiter au Hezbollah de l’emporter ? Bien sûr car autrement en effet, les hordes de terroristes ne tarderaient pas à affluer dans notre pays ; de toute manière – et là est le plus révoltant – on ne vous a pas laissé le choix.
Convient-il pour autant de passer l’éponge sur la décision unilatérale de la milice de s’ingérer dans le conflit de Syrie, ce qui a inévitablement entraîné une riposte des jihadistes ? Et les Libanais doivent-ils se résigner une fois pour toutes au perpétuel chantage ? Bien sûr que non. Car à la longue, la perspective d’une tyrannie syrienne revenue d’entre les morts, et qui a amplement fait ses criminelles preuves au Liban, n’est guère plus rassurante que l’épouvantail terroriste. Il en va de même, d’ailleurs, pour un Hezbollah chaque jour plus gourmand et dont on a trop souvent tendance à oublier, ou feindre d’oublier (c’est le cas des alliés chrétiens de la milice) qu’il constitue l’autre face, chiite celle-là, de l’islamisme guerrier. Dominateur. Conquérant, totalement incompatible avec la formule libanaise.
Un Hezbollah à l’appétit chaque jour plus insolent, c’est son chef lui-même qui vient de nous en faire gracieusement l’annonce. Dans son discours de mardi dernier, Hassan Nasrallah affirmait ainsi qu’il était bien contraint de prendre les choses en main, du moment que l’État se dérobe à ses responsabilités. Ce n’était pas seulement, là, insulter l’intelligence des citoyens qui savent bien, eux, par quel et incessant travail de sape les institutions publiques ont été sabotées l’une après l’autre. C’était surtout faire offense à une armée nationale qui, ces derniers mois, a été cruellement prise pour cible privilégiée par les terroristes ; et qui, en œuvrant à interdire l’afflux de combattants à la frontière, doit aujourd’hui livrer des combats qu’elle n’a jamais planifiés, et encore moins souhaités.
Une milice aux commandes, une armée régulière traitée en simple auxiliaire, en vigile chargé de garder la maison : l’État dans l’État, serait-ce déjà du (dé)passé ?