Yara ABI AKL
C’est dans une volonté manifeste d’accélérer le processus de formation du gouvernement que le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a entamé hier une nouvelle phase de contacts avec les protagonistes concernés par les obstacles entravant encore les négociations. Il s’agit, bien entendu, des Forces libanaises et du Parti socialiste progressiste. Une façon pour M. Hariri d’anticiper le retour à Beyrouth (prévu aujourd’hui) du président de la République, Michel Aoun, après un déplacement aux États-Unis. Des proches du Premier ministre confient que ce dernier est en quête de données concrètes avant de se rendre à Baabda pour une réunion avec le chef de l’État.
Le Premier ministre désigné s’est donc entretenu hier avec le leader des FL, Samir Geagea, à la Maison du Centre. Étaient présents les ministres sortants de la Culture, Ghattas Khoury (Futur), et de l’Information, Melhem Riachi (FL). Cet entretien est intervenu au lendemain d’une rencontre mercredi entre Saad Hariri et Waël Bou Faour, député joumblattiste de Rachaya.
La discussion entre le chef du gouvernement désigné et le locataire de Meerab a tout naturellement porté sur les tractations en cours en vue de la mise sur pied du cabinet. Selon une source FL contactée par L’Orient-Le Jour, Samir Geagea a saisi l’occasion pour assurer que toutes les moutures gouvernementales évoquées dans les médias « ne le concernent pas ». Une façon pour Meerab de démentir les informations ayant circulé récemment selon lesquelles il serait actuellement question d’accorder aux FL la vice-présidence du Conseil (sans portefeuille), deux portefeuilles de services et un ministère d’État. Dans les milieux proches de Meerab, on assure que le leader maronite n’est concerné par aucune mouture. Ce qui lui importe reste la mise sur pied d’un cabinet qui serait conforme aux poids politiques issus des législatives de mai dernier, et qui respecterait les équilibres politiques.
- Geagea a également profité de son entretien avec le Premier ministre désigné pour évoquer la situation économique qui ne fait que se détériorer au vu du retard dans le processus de formation de la future équipe ministérielle, souligne-t-on dans les mêmes milieux. Le chef des FL a même été jusqu’à appeler M. Hariri à tenir des séances gouvernementales qui seraient placées sous le signe de la « nécessité » pour discuter de la crise économique actuelle, et inciter ceux qui bloquent le processus gouvernemental à faciliter la mission du chef du gouvernement, ajoute-t-on de même source. Une allusion à peine voilée au Courant patriotique libre que la formation de Samir Geagea accuse de vouloir la marginaliser afin de l’écarter de l’équipe ministérielle Hariri.
Arslane en dehors du cabinet ?
Outre la querelle CPL-FL, M. Hariri continue à déployer des efforts pour défaire le nœud druze né du différend opposant le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, à son principal adversaire, le chef du Parti démocrate libanais Talal Arslane, le premier insistant pour nommer les trois ministres druzes dans un cabinet de trente. Dans certains milieux proches de Moukhtara, on indique à L’OLJ que le PSP campe sur sa position, mais que les concessions sont possibles lorsque quelque chose de « valable » est présenté au chef de ce parti. Sauf que, jusqu’à présent, aucune proposition « sérieuse » n’a été présentée.
En dépit de ces explications, une source bien informée croit savoir qu’un projet de solution est actuellement à l’étude. Il s’agirait d’une mouture « qui n’a rien à voir avec Talal Arslane », assure-t-on. Un observateur politique va même jusqu’à estimer, via L’OLJ, que le Hezbollah pourrait déployer des efforts pour convaincre M. Arslane de faciliter la tâche de Saad Hariri, à l’heure où son allié traditionnel, le CPL, continue de plaider pour intégrer le chef du Parti démocrate libanais au sein du gouvernement.
Sauf que dans les milieux proches du parti chiite, on ne va pas aussi loin. On se contente de souligner que la formation de Hassan Nasrallah intervient « dans la mesure du possible », insistant sur la nécessité de respecter le poids politique de Talal Arslane. Dans les mêmes milieux, on dénonce le refus de Saad Hariri d’inclure ses opposants sunnites à son équipe, ainsi que le retard mis à former le gouvernement. Une façon pour le Hezbollah de répondre à ceux qui estiment qu’il exercerait un forcing pour accélérer les tractations, dans la mesure où il a besoin d’un gouvernement dans les plus brefs délais, pour faire face à la nouvelle vague de sanctions que lui infligerait la communauté internationale.