La commission chargée de plancher sur une nouvelle loi électorale est appelée à tenir une réunion aujourd’hui au Sérail, sous la présidence du chef du gouvernement, Saad Hariri, pour essayer de trouver une nouvelle formule conciliatrice, de nature à briser le cercle vicieux des débats stériles qui ont ponctué la quête, pendant des mois, d’une nouvelle loi. Des contacts intensifs et des concertations ont été entrepris tout au long des derniers jours pour paver la voie à cette réunion.
Selon le député Samir el-Jisr, cité par l’agence al-Markaziya, Saad Hariri envisage de soumettre à la commission une idée de proposition de loi « fédératrice », en ce sens qu’elle ne heurtera aucune des parties politiques et qu’elle tiendra compte des observations que ces dernières avaient formulées sur les différentes formules proposées au cours des derniers mois. La formule en question repose sur une proportionnelle intégrale qui sera organisée sur base d’une quinzaine de circonscriptions moyennes. Elle rappelle donc celle qui avait été proposée par le gouvernement Mikati et qui n’avait pas été retenue par les différentes parties politiques.
Dans les milieux proches de M. Hariri, on se veut optimiste, d’abord parce que la formule envisagée par le chef du gouvernement prend soin d’écarter tous les éléments qui avaient rebiffé les principaux courants politiques, ensuite parce qu’elle répond aux vœux de tous d’organiser les élections sur base d’un nouveau texte.
Des propos tenus par Samir el-Jisr à la Markaziya, il ressort que le chef du gouvernement reste hostile au vote d’une formule électorale en Conseil des ministres, si jamais l’impasse persiste au niveau de ce dossier. « Il est vrai que les décisions en Conseil des ministres peuvent être soumises au vote et requièrent pour leur adoption les deux tiers des voix si une entente s’avère impossible, mais le dossier électoral est tellement délicat qu’il n’est pas possible de passer outre à une entente », a-t-il affirmé.
Mission difficile pour Saad Hariri qui doit donc réunir des antipodes.
Pour résumer : le CPL du ministre Gebran Bassil s’oppose à la proportionnelle intégrale et préconise un vote en Conseil des ministres, chose que le Hezbollah, favorable à ce mode de scrutin, refuse catégoriquement. Hier, ce sont des échanges à fleurets mouchetés qui ont ponctué les discours de l’un et de l’autre. Dans le communiqué qu’il a fait paraître au terme de sa réunion, le bureau politique du CPL a plaidé pour une loi qui « puisse permettre à la société libanaise d’être représentée telle qu’elle est au Parlement » et qui « préserve dans le même temps la parité », en expliquant que le CPL n’est attaché à aucune des formules électorales qui avaient été proposées par son chef et que celles-ci doivent être perçues comme « des tentatives de pousser vers un débat pouvant déboucher sur l’adoption d’une loi électorale de nature à rectifier la défiguration du Parlement ». Le CPL s’est prononcé sans ambages pour un vote en Conseil des ministres. « Une prolongation du mandat de la Chambre est absolument inacceptable, affirme le CPL. Est-il possible de voter une prorogation du mandat du Parlement, ce qui équivaut à une spoliation du pouvoir et à une violation flagrante de la Constitution ? » s’est indigné le bureau politique du CPL dans son communiqué.
Lui faisant écho, le député hezbollahi Ali Fayad a souligné, durant un meeting dans le village sudiste de Taybé, qu’un vote de la loi électorale en Conseil des ministres « est de nature à creuser davantage le fossé national existant et ne résout pas le problème ». « Si certains croient pouvoir imposer à leurs compatriotes une loi électorale qui n’est pas approuvée par des composantes communautaires fondamentales du pays, ils devraient savoir que cela risque de mettre en danger plus tard l’ensemble de l’opération électorale », a averti M. Fayad, sans préciser la nature de ce danger. Il a mis en garde également contre un vide au niveau de l’autorité législative « parce qu’il va générer une situation politique chancelante et incontrôlable », avant de se prononcer de nouveau en faveur de la proportionnelle et d’une solution consensuelle « à même de nous orienter vers un environnement politique sain ».
Du côté d’Amal, on en veut également au CPL, comme le révèlent les propos du député Hani Kobeissi, qui, de Zawtar el-Gharbieh, a dit « avoir peur pour ceux qui essaient de protéger eux-mêmes leurs communautés respectives parce qu’ils doivent savoir que c’est l’État qui protège le Liban et ses communautés ». Son raisonnement se fonde sur le fait que c’est la proportionnelle qui peut « donner naissance à un Parlement représentatif et, par voie de conséquence, à un État juste ». M. Kobeissi a mis en garde contre un vide au niveau de l’autorité législative en raison de son effet boomerang sur le gouvernement.
Le dossier électoral a été passé en revue durant l’entretien de Gebran Bassil, avec le ministre des Déplacés, Talal Arslane, qui a été reçu dans l’après-midi au palais Bustros et qui s’est prononcé résolument en faveur de la proportionnelle.