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Histoire d’otage

Le destin du Liban est-il de demeurer sans cesse, au fil des décennies de son histoire contemporaine, l’otage de puissances régionales aux ambitions voraces et aux visées hégémoniques démesurées ? La question se pose aujourd’hui avec acuité à la lumière de la stratégie expansionniste de la République islamique iranienne dans la région et des attaques répétées du Hezbollah contre le royaume wahhabite.
Ce sort funeste, le pays du Cèdre le subit de manière épisodique, en payant le tribut du sang, depuis la fin des années 60 (pour ne pas remonter encore plus loin dans le temps). Son chemin de croix a commencé lorsque les organisations palestiniennes armées l’ont pris en otage pour mener leur lutte contre Israël à partir du Arkoub, qu’elles avaient transformé en Fatehland, tout en mettant sur pied dans la capitale et dans d’autres zones des officines miliciennes locales dont l’expansion, au détriment de l’autorité et de la souveraineté de l’État central, avait permis progressivement à l’OLP de s’imposer comme acteur de poids dans le paysage politique libanais. Conséquence inéluctable : l’État hébreu prenait à son tour le secteur méridional en otage. Le pays était ainsi transformé en abcès de fixation d’un conflit régional sur lequel il n’avait aucune prise, ses deux « ravisseurs » utilisant son territoire comme un espace d’affrontements qui leur permettait de se livrer à leur petite guerre sur le terrain d’autrui.
Le déclenchement du conflit libanais au milieu des années 70 permettra au régime syrien d’entrer dans la danse en contribuant à ce jeu de preneur d’otage, se partageant le rôle avec l’OLP et Israël… Jusqu’à l’invasion israélienne de 1982 et l’évacuation vers d’autres cieux des organisations palestiniennes armées. C’est à la faveur de ce double développement majeur qu’entrera en scène, à partir du milieu des années 80, le Hezbollah. Au fil des ans, le parti chiite s’imposera en véritable tête de pont des gardiens de la révolution islamique iranienne – les fameux pasdaran – sur les rives de la Méditerranée. L’acteur principal du cynique jeu de séquestration changeait alors d’identité et, de ce fait, le Liban est devenu aujourd’hui, sous l’effet de l’ancrage du Hezbollah au pouvoir de Téhéran, l’otage d’une puissance régionale qui ne cache pas ses visées hégémoniques sur l’ensemble du Moyen-Orient.
Une variante, de taille, est intervenue sur ce plan. Avant que le régime des mollahs ne devienne, ces dernières années, le seul maître du jeu – ou presque – sur l’échiquier local, le Liban était, certes, otage, mais les dégâts et les retombées étaient pratiquement limités au territoire libanais. Or le Hezbollah ne se contente plus d’être une tête de pont, mais il étend ouvertement son champ d’action, pour le compte du régime iranien, à la Syrie, à Bahreïn, au Yémen, au Koweït, aux Émirats, à l’Irak, entre autres terrains d’affrontements. Tant et si bien, qu’il est qualifié désormais d’organisation terroriste non plus uniquement par les États-Unis et l’Union européenne, mais aussi par les pays du Golfe et tout le monde arabe, à quelques exceptions près. Les conséquences débordent donc, irrémédiablement, le seul cadre du Liban. Les préjudices, considérables, se manifestent (représailles obligent…) au niveau macroéconomique, mais surtout sur le double plan des relations avec les pays amis et de la situation de la diaspora libanaise, notamment dans les pays du Golfe.
Tel est, précisément, le but recherché par le Hezbollah, et son parrain iranien : isoler le pays du Cèdre du monde extérieur et provoquer la rupture, ou tout au moins la dislocation, de ses amitiés ancestrales, afin de pouvoir subrepticement le pousser dans le giron de la République islamique.
Face à cette prise d’otage d’un type nouveau, deux objectifs s’imposent : renforcer, et non pas affaiblir, l’armée (d’où le caractère irrationnel de la mesure prise par Riyad) ainsi que les forces locales hostiles au diktat du Hezbollah ; et initier un forcing pour paver la voie à une future politique de neutralité vis-à-vis des conflits et des axes régionaux… afin de mettre fin au cycle infernal des opérations successives de « séquestration » dont le Liban est victime depuis près de cinq décennies. Il faudra bien à cet égard que le rêve devienne, un jour, réalité…