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HyperHezbollah

Le Hezbollah est déjà l’un des plus grands vainqueurs de la guerre en Syrie. Dans un article remarquable, le Financial Times annonçait, il y a quelques jours, une couleur que beaucoup d’observateurs et d’analystes pressentaient depuis des mois. Le Hezbollah est en train d’apprendre, et l’expérience, c’est important : de guérilla, il se transforme en force d’invasion.

C’est effectivement le Hezb 3.0 : de terroriste dans les années 80 ; de noble résistance, ensuite, jusqu’au retrait israélien en mai 2000 ; de milice ensuite, refusant à l’État sous de fallacieux prétextes le monopole des armes et la décision de guerre et de paix, et provoquant en 2006 un sanglant blitzkrieg contre Beyrouth et la Montagne ; jusqu’à mercenaire, depuis son entrée sur le sol syrien aux côtés des troupes de Bachar el-Assad et de la Russie. La formation de Hassan Nasrallah aura ainsi évolué comme peu d’autres dans le monde. Avec, toujours, une seule et même constance : obéir directement et aveuglément aux ordres des ayatollahs de Téhéran, et servir de bras armé à l’Iran dans un monde arabo-sunnite en pleine crise existentielle, voire identitaire, depuis des années. Un monde arabo-sunnite qui, à partir de 2013, a compris qu’il s’était férocement, forcément, trompé sur le parti de Dieu.

Que le Hezb engrange en Syrie un maximum d’expérience, mais aussi de missiles de plus en plus sophistiqués ; qu’il reste ce grain de sable qui peut enrayer, à n’importe quel moment, sur objurgation perse et en provoquant l’État hébreu, la sulfurique et tellement bancale machine proche-orientale ; qu’il étende ses tentacules jusqu’en Irak, au Yémen, et peut-être même en Libye, et qu’il demeure, ad vitam, cet épouvantail qui affole et enrage n’importe quelle administration américaine, est une chose. Toutes autres sont les répercussions au Liban, au quotidien et dans les grandes lignes, de sa gigantisation postsyrienne.

Ce n’est qu’en 1992 que le Hezbollah a décidé, via les législatives, de participer à la vie institutionnelle libanaise. De mettre un pied dans l’État, tout en gardant l’autre dans l’illégalité, dans le déni de souveraineté asséné à ce même État. Son entrée dans l’Exécutif a eu lieu plus tard, en 2005, en juillet, soit cinq mois après l’assassinat de Rafic Hariri, dans le gouvernement Siniora. Et depuis, gentiment, poliment, dans une étonnante démonstration d’abnégation, le Hezb partage le nombre de strapontins chiites à la Chambre avec le mouvement Amal de Nabih Berry et se contente de deux portefeuilles plus ou moins mineurs. La cohérence est fascinante : à quoi peuvent bien servir députés et ministres quand on a un arsenal hallucinant… Mais aussi (mais surtout ?) quand on n’en finit plus d’accélérer le processus de vampirisation de l’État.

Jamais depuis son investiture, le président Michel Aoun, qui a pourtant multiplié en quelques mois de beaux signes de centrisme, n’aura à ce point fait revenir le naturel, chassé au trot ; jamais président de la République n’aura avalisé à ce point l’adéquation entre un État (le Liban) et une milice. L’État c’est eux, aurait-il pu dire, en assurant que le Liban répondra de manière adéquate à toute tentative israélienne de s’en prendre à sa souveraineté. À la bonne heure – même si, venant de quelqu’un qui s’est attaqué à l’occupation syrienne toute puissante de l’époque avec l’épilogue que l’on connaît, cela n’a rien de rassurant… Soit M. Aoun sait des choses, que tout le monde ignore, à propos de l’armée libanaise et de sa nouvelle capacité de riposte, soit il entend répliquer par le truchement du Hezbollah. L’État c’est eux prend là sa pleine, sa mortifère signification…

Le Hezbollah étant maître du Parlement (Nabih Berry ne fait pas un geste, pas un pas sans l’accord de M. Nasrallah), et maintenant que le palais présidentiel se fait le porte-voix de la banlieue sud, il ne reste plus que le Sérail. Combien de divisions, le Sérail, se demanderaient alors en souriant les stratèges du Hezb, le souvenir souriant de 2008 (et le tout récent flirt diplomatique entre Israël et l’Arabie saoudite) en tête…

Et si Michel Aoun était le dernier président de la République libanaise…

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P.-S. lequel Michel Aoun concrétisera aujourd’hui l’un des fantasmes absolus d’une Marine Le Pen qui gigote frénétiquement depuis quelques mois à la recherche d’une crédibilité internationale, fût-elle minimale : il sera le premier chef d’État en exercice à recevoir la candidate de l’extrême droite à l’élection présidentielle française.