IMLebanon

Import-export

Routes engorgées, longues heures d’attente sous un soleil implacable, forces de l’ordre débordées face aux soudaines marées humaines ; et en plus de tous ces désagréments, la provocation, le défi, l’affront, l’insulte faite au pays hôte par ces légions étrangères chantant la gloire d’un tyran qui, non content de massacrer son propre peuple, aura copieusement fait violence au Liban.
C’est, avant toute chose, un sentiment de rage impuissante qu’a suscité, auprès de très nombreux Libanais, le spectacle de cette mascarade d’élection présidentielle à laquelle se sont livrés, mercredi et jeudi, par dizaines de milliers, des ressortissants syriens se ruant vers les bureaux de vote aménagés dans l’ambassade de leur pays pour réélire, avec ferveur, leur président adoré Bachar el-Assad. Ces foules n’étaient certes pas faites que de réfugiés ayant fui les horreurs de la guerre civile et qu’on voit mal, dès lors, faire preuve d’une telle frénésie électorale. À ces malheureux s’ajoutaient d’abord les ouvriers peuplant nos chantiers, qui ont souvent laissé de la famille au pays, et qui sont, par définition, vulnérables à toutes sortes de pressions, physiques ou administratives. S’y ajoutaient ensuite (et surtout) les hordes de non-résidents affluant, en service commandé, à travers le gruyère de la frontière.
Après la légitime indignation, l’inquiétude : tout ce monde-là réuni, cela fait une monumentale cinquième colonne disponible à tout moment et capable de perturber gravement la vie socio-économique du pays. Que paraît bénigne ainsi, par comparaison, la question pourtant angoissante de ce million d’authentiques réfugiés se trouvant sur notre sol : promiscuité qui, la misère aidant, donne inévitablement lieu à une effarante recrudescence de la criminalité, de même qu’à une concurrence déloyale sur le marché de l’emploi journalier affectant même les chauffeurs de taxi. Le ministre des AE a beau jeu, en ce moment, de quémander une assistance internationale qui aiderait le Liban à supporter l’énorme fardeau. Il oublie ou feint d’oublier toutefois que les propres alliés politiques du courant politique dont il relève n’ont pas peu contribué à cette situation en s’en allant guerroyer aux côtés des troupes de Damas. Déjà accusé de se livrer à mille trafics illicites, le Hezbollah a exporté cette fois ses combattants ; du coup, c’est le Liban tout entier qui a importé, contre son gré, les réfugiés, et aussi les attentats terroristes à la bombe. Pour le triste épisode des derniers jours, c’est le même Hezbollah d’ailleurs qui s’est chargé de recenser, recruter, mobiliser, persuader avec toute la fermeté nécessaire, encadrer et amener à pied d’œuvre le troupeau bêlant. Faudra-t-il donc remercier la milice pour cet exposé particulièrement révélateur de sa conception de la démocratie ?
Non moins explicite, au demeurant, était l’humiliant message que nous adressait le régime syrien en s’offrant la rare volupté d’un plébiscite en terre libanaise. Car voilà bien, veut-on nous signifier, une démocratie baassiste qui fonctionne en toute circonstance même si c’est au sang qu’elle carbure : cela par opposition à un système libanais continuellement en panne, miné par les hérésies constitutionnelles, et qui s’avère impuissant à produire, dans les délais prévus par la loi, un président de la République.
Telle est, dans toute sa sinistre simplicité, la recette que l’on veut nous imposer. À l’heure où s’essoufflent les printemps arabes, arraisonnés qu’ils sont par les généraux ou bien alors dévoyés par les islamistes, c’est à ce nouveau défi que doit répondre, pour bancale qu’elle soit, la démocratie libanaise.