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Impôts de chambre

 

Il n’est de gens de bonne compagnie… qui ne se crêpent la touffe. Après une longue hibernation au cours de laquelle on l’entendait à peine ronronner sur un coin de table du Conseil des ministres, ne voilà-t-il pas que le ministre du Pognon s’ébroue soudain pour nous pondre une longue liste de courses constellée de taxes et d’impôts divers, en attendant d’aller faire son marché jusqu’au tréfonds des gorges des Libanais.
Pour ceux qui l’auraient oublié, Ali Hassan Khalil est le bas de caisse d’Istiz Nabeuh. Comprendre : ce truc qui frotte partout quand ça roule. Indiscutablement le plus pugnace de tous les seconds couteaux au jeu du « mon maître sait tout », l’inénarrable ministre est toujours prompt à bondir sur celui qui ose égratigner le haut perché du Parlement.
Alors, comme c’est un homme forcément occupé, son budget 2015 il l’a torché en deux ou trois coups de cuiller à pot. La formule est facile, rapide et usée jusqu’à la corde : l’État a besoin d’argent? Les gueux devront donc cracher au bassinet.
Les réformes structurelles dans les officines poubelles, la réduction des déficits publics, la privatisation des secteurs non rentables, ce n’est pas particulièrement son genre de beauté à Ali Hassan Khalil. Mais c’est dans le pire qu’il propose le meilleur : augmenter les salaires des fonctionnaires, alors qu’il devrait en vidanger les trois quarts… à l’heure où les budgets des ménages sont coupés à la hache, que les Libanais sont mis à la diète et que le pays vagit sous le poids de la crise. Chapeau, l’artiste !
Mais miracle ! Nous sommes au Liban, et le budget du Grand Argentier de la République ne verra sans doute jamais le jour. Et pour cause : le Courant Barbichu s’emploie à lui savonner la planche, Orangina fait une rechute de démangeaisons présidentielles et le Hezbollah est trop occupé à entretenir son élevage de barbus en Syrie et au Yémen.
Ne reste qu’une solution : notre ami n’a qu’à garder son budget bien au chaud. Chaque année, on le marquera d’un nouveau label : 2016, 2032, 2056… Pour le reste, cet État décrépit pourra continuer de dépenser à coups de multiples de énièmes provisoires.
Un pays entier est là, béat et godiche, haletant de savoir si ses ministres vont ou non s’envoyer des gnons dans les gencives.
Chouette ! Les querelles sont redevenues de saison.

Gaby Nasr