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Iranium

 

Accord historique vraiment, comme s’en félicitent Iraniens et Américains, chacun affirmant être parvenu à ses fins sans rien céder sur l’essentiel ? Erreur historique plutôt, comme s’en lamente Benjamin Netanyahu, comme le pensent tout bas, eux aussi, les pétro-monarques du Golfe ?
On a là le fruit d’un processus entamé dans le plus grand secret entre ennemis jurés et qui a nécessité, par la suite, des années d’âpres négociations. Le plus extraordinaire cependant dans cet accord, auquel sont associés la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, c’est bien sa portée inhabituellement longue, c’est la manière inédite dont il se projette dans l’espace et le temps.
Pendant dix ans ainsi, il sera interdit à la République islamique d’enrichir suffisamment son uranium pour qu’il puisse servir à la fabrication d’une bombe atomique. Mais c’est pendant vingt ans que l’Agence internationale de l’énergie atomique sera habilitée à inspecter les innombrables centrifugeuses qu’ont disséminées les Iraniens sur leur immense territoire. L’embargo sur les armes est rigoureusement maintenu ; en revanche, les sanctions internationales frappant l’Iran seront graduellement levées dès le début de l’an prochain, étant entendu qu’elles seraient rétablies si Téhéran venait à trahir ses engagements.
Qui paie ses dettes s’enrichit, dit le proverbe. L’Iran n’est pas criblé de dettes ; mais c’est en renonçant à enrichir son uranium qu’il est assuré de se retrouver, lui, à la tête d’une fortune fabuleuse. Non seulement, en effet, il pourra exploiter à nouveau ses considérables ressources pétrolières, non seulement il récupérera, par dizaines de milliards de dollars, ses avoirs gelés à l’étranger, mais les sanctionneurs d’hier se bousculent déjà pour écouler leurs produits ou implanter des usines chez le sanctionné, soudain devenu fort fréquentable.
La question qui se pose, dès lors, est celle de savoir quel usage feront les mollahs de ce pactole retrouvé. Bien davantage que le régime, c’est la population iranienne qui a souffert des années de vaches maigres imposées par la communauté internationale, une population avide de mieux-être et de modernité. Tel semble bien être le pari de Barack Obama qui, pour avoir franchi l’inviolable porte iranienne, espère maintenant forcer celle de l’histoire. Pour le président US confronté à une levée de boucliers républicaine, c’est en effet un Iran plus susceptible de s’ouvrir sur l’Occident et, avec lui, un monde plus sûr qui émergent du marathon de Vienne. À cette évaluation optimiste – naïve, disent ses détracteurs – font écho les propos rassurants des dirigeants iraniens qui affirment n’avoir jamais convoité la bombe atomique, qui évoquent même les possibilités nouvelles de coopération avec l’ancien grand satan face au péril Daech.
À cette vision idyllique s’oppose toutefois le spectre d’un Iran plus que jamais en mesure de financer ses ambitions régionales, de s’impliquer de plus en plus dans les guerres d’Irak, de Syrie et du Yémen, de combler de ses largesses ses instruments, qu’il s’agisse du Hezbollah, du Hamas ou des houthis.
Oui, quel Iran après Vienne ? On ne sera pas fixé de sitôt : la route est longue, et c’est d’une motorisation à combustion lente qu’est doté l’accord d’hier.